Impacts de la crise, programmation et événements à venir : à la veille de la réouverture, petit point sur l’état de santé et la motivation des salles indépendantes de la capitale après trois mois de fermeture.
La lumière au bout du tunnel. Alors que se profile la réouverture le 22 juin, les cinémas indépendants parisiens sortent de cette période exceptionnelle en ayant limité la casse financièrement. « Toutes nos équipes ont été mises au chômage technique. Le plus gros problème concernait le loyer et certains exploitants ont réussi à s’entendre avec leurs propriétaires », explique Isabelle Gibbal-Hardy, présidente du réseau dont le mandat s’achève à la fin du mois. « Nous avons pour la plupart sollicité un prêt garanti par l’État et le versement anticipé de la subvention art et essai par le CNC a été bienvenu. Nous allons aussi très rapidement recevoir le versement de l’aide à la programmation difficile, dont la commission s’est réunie le 5 juin. » À cela s’ajoute l’aide de 300 000 euros aux 36 cinémas indépendants de la capitale votée par la Ville de Paris dans le cadre d’un plan d’aide exceptionnel destiné aux acteurs de la culture. Un montant qui vient compléter les 905 000 euros de subventions annuelles. Par ailleurs, la Région Île-de-France réfléchit également à un soutien financier pour les cinémas. Si le prolongement de la mesure de chômage partiel rassure la présidente des CIP, elle souhaite, à l’instar de l’ensemble de l’exploitation hexagonale, que la suspension des charges sociales se transforme en annulation.
Succès pour l’opération « J’aime mon cinéma indépendant parisien »
Hormis ces préoccupations financières, le confinement aura surtout permis au réseau de renforcer ses liens. « Pendant cette période, les réunions hebdomadaires du conseil d’administration ont été ouvertes à l’ensemble des adhérents. Ce partage global a resserré nos relations et nous ressortons de cette crise encore plus unis », se réjouit Isabelle Gibbal-Hardy. Plus d’unité, mais aussi plus de motivation. Les salles ont regorgé d’initiatives pour maintenir le lien avec les spectateurs, à travers des défis ludiques, des discussions en direct, des conseils et partages de coup de cœur. Et les témoignages ont afflué. « Le public souhaitait nous aider et c’est ce qui nous a poussé à mettre en place “J’aime mon cinéma indépendant parisien” », indique Chiara Dacco, déléguée générale des CIP. Cette opération est pour l’instant un succès : plus de 400 places au tarif de six euros ont été pré-achetées. « C’est la preuve de l’attachement des spectateurs à nos salles. » Une relation qui en a même poussé certains à concrétiser des projets d’envergure. Ainsi, le cinéaste-spectateur Antonin Peretjatko (La Fille du 14 juillet) a tourné un film en 16 mm, Les Rendez-vous lumineux, qu’il projettera en avant-première le 22 juin au Max Linder, en présence de ses acteurs Alma Jodorowsky et Damien Bonnard.
L’événementiel, l’un des fers de lance des CIP, sera bien entendu à l’honneur pour la reprise, bien que les 28 salles du réseau ne rouvrent pas leurs portes en simultané. Vingt d’entre elles accueilleront du public à compter du 22 ou du 24 juin ; L’Épée de Bois, le Studio 28 et le Studio Galande rouvriront le 1er juillet tandis que L’Archipel, Le Club de l’Étoile, Le Lucernaire et Les 7 Parnassiens ne reprendront que fin août-début septembre (voir encadré). Pour celles opérationnelles dès le 22, plusieurs événements vont accompagner la reprise. À titre d’exemple, le Grand Action organise une projection de Once Upon a Time… in Hollywood en 35 mm le lundi soir, le Brady propose The Bride with White Hair de Ronny Yu le mardi soir quand le Max Linder projettera la version restaurée de Mississippi Burning. À noter que de nombreuses avants-premières prévues en mars seront reprogrammées, comme celles de Brooklyn Secret ou Kongo. « Il y aura aussi deux séances spéciales avec la projection du film De chaque instant présenté par son réalisateur Nicolas Philibert, dont une partie des bénéfices sera reversée aux hôpitaux », annonce Chiara Dacco.
Des recommandations de la Médiatrice bienvenues
Outre ces événements qui se précisent, nombre de salles planchent encore sur leur programmation. Consultés par la Médiatrice du cinéma pour l’élaboration des préconisations entourant la reprise, les CIP saluent l’intégration de leurs demandes : « Nous souhaitions l’extension de la multiprogrammation au territoire parisien et l’instauration du concept de laboratoire pour la période qui s’ouvre jusqu’à la rentrée, avec des assouplissements des demandes des distributeurs et un processus de médiation simplifié. Dans nos négociations en cours, nous sentons que les distributeurs ont envie de donner les films mais qu’il y a plus de réticences concernant la multiprogrammation. C’est pourquoi j’ai conseillé aux adhérents d’interpeller la Médiatrice dès que nécessaire, car il faut porter nos problèmes aux yeux et aux oreilles des autorités », commente Isabelle Gibbal-Hardy. Les discussions seront d’autant plus animées que le nombre de séances sera réduit, avec la traditionnelle séance de 22 h qui devrait être suspendue dans la majorité des CIP.
Quid des recommandations sanitaires dans les halls de ces établissements historiques et parfois difficilement malléables ? « Aucun problème pour appliquer le guide sanitaire, nous allons largement privilégier le sans contact en déplaçant les lecteurs d’abonnements et de QR code pour les réservations à l’extérieur des cabines de caisse. Et il y aura des distributeurs de gel hydroalcoolique partout ! » À l’instar de ses confrères exploitants, la limitation de la capacité des salles inquiète la présidente des CIP, qui espère que cette restriction sera rapidement levée.
Malgré ce contexte inédit, l’optimisme reste de mise au sein du réseau. « Nous avons conscience que l’indépendance est une force. Et cette crise a semble-t-il redonné aux gens le goût de la proximité. Il n’y a qu’à voir la fréquentation incroyable des petites librairies où ils retrouvent du conseil et de l’échange, contrairement à d’autres supports. C’est de bon augure », souffle Isabelle Gibbal-Hardy. Et ce ne sont pas les études sur les habitudes de visionnement des films pendant le confinement qui viendront troubler la détermination des CIP. « Les témoignages de nos spectateurs révèlent l’importance qu’ont nos salles pour eux. Nous sommes plus que jamais impatients de les retrouver. »
Le Lucernaire, l’Archipel, le Club de l’Étoile et Les 7 Parnassiens rouvriront à la rentrée
Si la majorité des salles CIP seront opérationnelles entre le 22 juin et le 1er juillet, quatre attendront fin août, début septembre pour accueillir à nouveau leurs spectateurs. Ainsi, l’Archipel rouvrira le 26 août : « En tant que salle de continuation, on ne peut accéder aux films que très tardivement en raison d’une situation géographique très concurrentielle, à proximité de l’UGC Les Halles et du MK2 Beaubourg », a expliqué le cinéma dans un communiqué. Il rappelle le « marché parisien ultra tendu » et alerte ses partenaires « sur la durée [d’exposition] des films qui s’embouteilleront a priori de nouveau à compter du 24 juin ».
Date similaire pour Le Lucernaire, qui a indiqué sur Facebook que sa priorité était d’accueillir les spectateurs « à la rentrée en toute sécurité et sérénité pour vous offrir ces moments d’émotion et de convivialité qui nous ont tant manqué ». Le Club de l’Étoile reprendra à la rentrée, décision également motivée par l’envie d’accueillir dans les meilleures conditions son public, mais aussi car « nous n’avons jamais beaucoup de projections ouvertes au public pendant l’été », indique Alexandre Paquot, directeur du cinéma.
Enfin, la raison est tout autre pour Les 7 Parnassiens : l’établissement se refait une beauté sous la houlette du cabinet Grima Loussouarn. Après les parties communes et les sanitaires ce mois-ci, ce sont les salles qui seront remises à neuf.
Le festival Avant-Première ! décalé en fin d’année
L’événement, qui propose chaque année une vingtaine de films en avant-première dans toutes les salles des CIP, ne pourra se tenir comme de tradition début juillet. Pour autant, la 5e édition du festival « aura bien lieu en 2020 », assure Isabelle Gibbal-Hardy. Deux mois sont nécessaires pour la préparation de la manifestation ; aussi, les organisateurs vont suivre attentivement l’évolution de la situation en espérant pouvoir annoncer les nouvelles dates en juillet. « Nous allons discuter avec les distributeurs et voir la manière dont nous pourrons nous approprier les films ayant reçu le label Cannes 2020 », indique la déléguée générale Chiara Dacco.
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