Le Médiateur du cinéma présente son rapport 2024

Les demandes de médiation restent à un niveau constant, comparable à celui d’avant la crise sanitaire. Toutefois, leur nature a quelque peu changé.

Comme chaque année en amont du Festival de Cannes, l’autorité chargée principalement d’une mission de conciliation autour de la diffusion des films en salle livre les chiffres de ses saisines.
L’année 2024 du Médiateur du cinéma en chiffres :

  • 80 saisines
  • 26 conciliations dont 20 accords avant réunion
  • 10 demandes d’injonction dont 6 injonctions prononcées
  • et 119 demandes informelles d’intervention

Parmi ses observations, la Médiatrice Laurence Franceschini note une augmentation des saisines de la part des distributeurs, « même si elles ont été un peu moins nombreuses en 2024 ». Les demandes de médiations se sont concentrées sur les film recommandés art et essai dit porteurs,« ou les films non recommandés dont le thème, les acteurs ou les réalisateurs sont proches du cinéma art et essai ». 

Sur l’année écoulée, la Médiatrice relève également plus de tensions, « sans doute antérieurement sous-jacentes », entre les différentes catégories d’exploitants. Une situation qu’elle explique par une combinaison de facteurs : « la fin des contributions numériques versées par les distributeurs, ce qui peut conduire à un élargissement des plans de sortie ; le renchérissement du coût de l’énergie qui pèse sur les comptes des exploitants et peut les conduire à minimiser leurs risques, en concentrant leurs demandes sur les films les plus porteurs ; ainsi que, pendant un temps, une plus grande rareté des films américains. »  

La petite exploitation fait entendre sa voix

En novembre 2024, le Médiateur du cinéma a ainsi été sollicité par la branche de la petite exploitation, qui lui a transmis des éléments chiffrés des ses problématiques de programmation. Parmi ceux-ci, les séances organisées à perte, c’est-à-dire avec moins de 10 spectateurs, qui concernent 45 % des séances de la petite exploitation.  

Les réunions organisées début 2025 par le Médiateur, entre les représentants de la petite exploitation et les distributeurs « parmi les plus performants en termes d’entrées en 2024 », ont donné lieu à « des discussions riches autour de sujets clefs, comme la notion de plein programme ou la différenciation de traitement par les distributeurs en fonction du nombre d’écrans des exploitants ». Ces réunions se poursuivront en 2025, « et pourraient aller de pair avec une actualisation de la recommandation du Médiateur sur les 2-3 écrans ».

Problématiques de dérégulation

Toujours en novembre 2024, le Bloc (Bureau de liaison des organisations du cinéma) alertait de son côté le CNC sur le non-respect des engagements de programmation et réclamait une révision des visas exceptionnels. Durant les deux derniers mois de l’année, plusieurs distributeurs ont ainsi alerté de l’organisation de campagnes d’avant-premières massives, assimilables à des sorties anticipées… pour laquelle existe pourtant une recommandation spécifique du Médiateur.

Au cours des derniers mois de l’année, des cas de déprogrammations inopinées ont incité des distributeurs à se tourner vers le Médiateur du cinéma. « Ces situations ont concerné deux films porteurs à la typologie très différente », précise le rapport, sans préciser de titre. 

Début septembre 2024, c’est le cas Kaizen, exploité sous visa exceptionnel, qui a poussé un un syndicat de distributeurs à alerter la Médiatrice et le CNC. « En plus de soulever la question de l’occupation des écrans de cinéma par des œuvres “hors-film”, qui ne bénéficient pas d’une sortie nationale, la programmation hors cadre règlementaire de séances exceptionnelles a eu pour effet d’engendrer la déprogrammation de films dont l’exposition avait été négociée bien en amont », estime le rapport. Toujours est-il que, d’après les conclusions, dans le cas de Kaizen, c’est la temporalité trop resserrée de demande de visa, intervenue seulement deux semaines en amont de la diffusion prévue, « qui est venue perturber l’offre cinématographique du moment » . 

Des films français porteurs… porteurs de discorde

L’Amour ouf et Monsieur Aznavour ont particulièrement occupé le Médiateur sur la fin d’année, représentant chacun 8 des saisines (soit au total un cinquième des demandes), initiées par des établissements classés art et essai de grandes villes. Le rapport du médiateur rappelle que si la recommandation art et essai d’un film n’implique pas automatiquement sa diffusion dans une salle classée, dans le cas de L’Amour ouf, « sa non-recommandation décidée par le Collège de l’Afcae, postérieurement à sa sortie nationale n’allait pas de soi, dans la mesure où, du fait de sa sélection en compétition au Festival de Cannes 2024, il était en quelque sorte considéré comme pré-recommandé art et essai ».

Dans ces décisions, le Médiateur du cinéma estime avoir concilié les intérêts divergents des exploitants et ceux des distributeurs, « qui souhaitent maintenir des plans de sortie “raisonnés” qu’ils ont construits pour leurs films, en les adaptant à chaque agglomération et à la typologie de chaque film » .

Une géographie de médiation, jalonnée de nouvelles concurrences locales

En 2024, le Médiateur a été amené à suivre de près des zones de tensions concurrentielles locales, comme Nancy, Strasbourg, Antibes, Dijon ou La Réunion. Pour le Médiateur du cinéma, « ces tensions sont souvent liées à des évolutions du parc cinématographique local qui perturbe les équilibres établis pour les cinémas existants. Elles supposent des ajustements nécessaires pour que chaque opérateur trouve sa place et son équilibre économique conformément à sa ligne éditoriale ».

Dans cette perspective, après avoir accompagné la situation à Dijon en 2023, le Médiateur a élaboré, de façon concertée avec les acteurs locaux et la Direction du cinéma du CNC, d’autres « recommandations cadre » permettant de désamorcer ces tensions. En 2024, de premières propositions ont été communiquées aux opérateurs locaux pour traiter les situations de concurrence à Antibes et à La Rochelle. À Antibes, le Médiateur a suggéré aux opérateurs d’attendre, pour poursuivre la réflexion, l’expiration de l’engagement pris en CNACi par le nouveau multiplexe. Enfin à La Rochelle, une recommandation a été émise avec l’accord des parties. Elle fera l’objet d’un bilan en 2025.

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