Jérôme Seydoux : « Si Pathé a une longueur d’avance, ce n’est pas dans le domaine du premium mais du digital »

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Sa parole est rare, mais elle compte. Jérôme Seydoux, coprésident de Pathé, était invité par la commission de la Culture du Sénat à partager ses réflexions sur l’avenir du cinéma français. L’occasion de revenir sur sa vision de ses cinémas en particulier. 

L’audition de ce mercredi 15 mars, en compagnie d’Ardavan Safaee, président de Pathé Films, se tenait dans le cadre les travaux de la mission de contrôle du secteur cinématographique, confiée depuis septembre dernier aux sénateurs Jérémy Bacchi, Céline Boulay-Espéronnier et Sonia de la Provôté.

La soif du Premium

Son groupe est un incontournable des filières production et distribution, mais Jérôme Seydoux rappelle que 85 % de son chiffre d’affaires est réalisé par son activité exploitation. « Un métier qui restera, car la salle est la seule offre véritable en face des plateformes. » En réponse au sénateur Jérémy Bacchi qui interroge l’impact de la premiumisation sur le caractère populaire de la sortie cinéma, Jérôme Seydoux est formel : si 20 % seulement de leurs clients paient le tarif normal, de plus, « ce qui marche le mieux chez Pathé aujourd’hui, ce sont les salles premium ». Un succès qui n’est pas une originalité française, mais « une évolution mondiale » observée dans la plupart des circuits. « Les gens iront au cinéma parce que c’est une sortie et ce qu’ils veulent, c’est qu’on leur offre du confort, un bon film et un bon moment. » Le dirigeant qui, de fait, ne croit pas « à la théorie du cinéma low cost » rappelle que « la France n’a pas que Pathé. Elle peut compter sur un parc de salles très diversifié et très bien équipé. Ceux qui considèrent que la place de cinéma chez Pathé est trop chère peuvent aller ailleurs ».

Innover et… déréguler ?

Le projet d’entrée en bourse de Pathé est avant tout motivé par le souci de rester au top en matière d’investissements dans les salles, des plus visibles au plus invisibles. En tête de ces derniers, « le perfectionnement continu de nos outils digitaux. Si Pathé a une longueur d’avance sur ses confrères français, ce n’est pas dans le domaine du premium, mais du digital », estime le dirigeant. Reste que l’entrée en bourse sera conditionnée par « une bonne année 2023, et nous verrons en 2024 si le climat est favorable ». 

Sans renier l’apport « fondamental » de la diversité aux salles de cinéma, Jérôme Seydoux est, sans surprise, loin d’être un fan des engagements de programmation. « C’est le spectateur qui décide de ce qu’il a envie de voir. La diversité oui, mais l’obligation de programmer des films que les gens ne veulent pas voir non ! » Et ceci d’autant plus que, selon le dirigeant, « il y a des films produits en France qui ne méritent pas la salle ». L’occasion de critiquer aussi, au passage, le « blocage réglementaire » que représente l’obligation de sortie salle d’un film ayant reçu des aides publiques : « Aujourd’hui, un film n’a pas qu’une vie en salles, [cette] obligation est un non sens ».  
Enfin, le coprésident de Pathé a pu partager avec les sénateurs son bonheur de voir l’efficacité du pass Culture dans la dynamisation de la fréquentation de ses cinémas. « Une des raisons principales de la remontée de notre nombre d’abonnés, voire de leur dépassement des chiffres de 2019, est le pass Culture. » Une manière de conclure en beauté un échange résolument tourné vers… l’avenir.

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