Il y a six ans, l’ancien directeur de la distribution d’Universal Pictures France s’est lancé dans l’aventure de la production indépendante. Il confie aujourd’hui son premier long métrage, L’Enfant qui mesurait le monde de Takis Candilis, aux salles françaises… tout en continuant à développer ses autres projets.
Article initialement paru dans le Boxoffice Pro du 18 mai 2024
Un nom de société, YTA Productions, tiré des initiales de son père Yves Toussaint Antoine, et un logo au rhinocéros car il aime l’animal : tout, dans la nouvelle activité de Jean-Michel Lorenzi, respire l’élan du cœur. Pas que le professionnel en ait manqué dans ses précédentes fonctions, depuis ses débuts chez Disney en 1984 – « à l’époque où, en province, c’étaient des indépendants qui avaient les licences du studio » – , ses 17 ans chez UIP, puis le “montage”, en 2008 avec Stéphane Huard, du bureau Universal France : « sûrement [sa] plus belle expérience professionnelle ».
Au sein de la nouvelle filiale française autonome, le directeur de la distribution a eu l’occasion de travailler sur une grande variété de films, entre blockbusters, films d’animation (dont les débuts de Moi, moche et méchant avec les studios Illumination), la relance de la franchise Fast & Furious, des films art et essai (comme Manchester By The Sea)… et les premiers films français qu’Universal France coproduit et distribue. Toutes les possibilités d’interactions et d’échanges avec les équipes créatives de Gainsbourg (Vie héroïque), L’Arnacœur et Fatal, sur la seule année 2010, constitueront le déclic. Alors, dès que les contraintes familiales le permettent, Jean-Michel Lorenzi se lance dans l’aventure et devient producteur. Même s’il faut quitter « une boîte et des gens que j’aimais, pour ne pas avoir de regrets ».
Un nouveau métier
Les débuts ne sont pas simples dans le contexte de crise sanitaire. Un tout premier projet, à un mois du début de son tournage et alors que ses décors sont construits, est arrêté par le premier confinement et ne verra finalement jamais le jour. Pour autant, des regrets, le fondateur d’YTA Productions n’en a aucun, alors que son premier long métrage, L’enfant qui mesurait le monde de Takis Candilis sort aujourd’hui prochain, sous bannière Dulac Distribution, après « une belle avant-première dans le cadre du Champs Elysées Film Festival ». C’est donc cette adaptation du livre de Metin Arditi qui devient le premier bébé de Jean-Michel Lorenzi-producteur, après un tournage dont les seules difficultés auront été les conditions météo « très difficiles », malgré les latitudes grecques. « Pour le reste, ce n’était que du bonheur, à commencer par celui de la rencontre avec Bernard Campan. » Mais malgré les retours réjouissants des projections tests et un distributeur « qui s’investit à fond », le professionnel – qui, sur l’ensemble de sa carrière, a distribué plus de 650 films –, sait qu’une sortie peut dérailler. « Y compris pour des questions indépendantes de notre travail, comme une grève ou la météo. Et aujourd’hui, ce qui est perdu en exploitation sur les premiers jours, surtout pour les films fragiles, n’est pas récupéré après. Or si je fais ce métier, c’est pour que mes films soient vus en salles. »

Parmi ses autres projets, Jean-Michel Lorenzi compte, dans le cadre de sa collaboration avec son associé Roméo Cirone depuis trois ans, la comédie On aurait dû aller en Grèce de Nicolas Benamou, distribué par Moonlight – « dont la première projection publique aura lieu au Festival de Lama en Corse fin juillet-début août » –, ainsi que Rock’n’Roll Fan de Xavier Durringer, une tendre chronique sociale sur un fan de Johnny Hallyday, écrite par le comédien Laurent Olmedo (mais aussi fan et ami de Johnny).
La Cantamessa (“la mante religieuse” en corse) entrera en financement à l’automne, « pour un tournage idéal en avril-mai prochain », espère le producteur, en décrivant un « revenge movie dans le maquis corse, réalisé par Louis Lagayette, en lequel je crois beaucoup ». Si ce projet, « porté par deux personnages forts de femmes » est encore en phase de casting, le rôle titre d’un autre projet, Le Flamboyant, devrait être interprété par Simon Abkarian. Ce road movie initiatique, qui suit un jeune homme sur les routes de France en compagnie du… fantôme de son grand père, sera le premier film du scénariste Michaël Souhaité (coscénariste des Petites Victoires), coréalisé avec le chef opérateur Fabrice Sebille. Le projet est en recherche de financement. Summers in Pugglia aussi recherche des financements, notamment un coproducteur italien. Tourné en anglais dans les Pouilles (et quelques jours à New York), cette comédie romantique écrite et réalisée par Cyril Morin – par ailleurs compositeur de musique de films, et notamment de celui de L’Enfant qui mesurait le monde – ne pourra, de fait, bénéficier ni du crédit d’impôts ni du compte de soutien du CNC. « Même si son budget n’est pas énorme, les préventes sont plus compliquées aussi », observe Jean-Michel Lorenzi qui compte aussi, parmi ses projets « plus longs à monter », Macao Men. Cette adaptation du livre éponyme de Gabriel Guillet, par Louis Lagayette en compagnie de l’auteur, est en phase de séquencier, dans l’attente d’une première version de scénario dialogué. « Il s’agit d’un vrai thriller dans l’univers du jeu, en particulier du poker, à la “Guy Ritchie”, qui sera tourné en partie à Macao avec des acteurs internationaux, d’où son budget plus important ». Le producteur a, en outre, eu un gros coup de cœur pour Braconniers d’Eric Bouvron, qu’il accompagne dans l’adaptation de sa propre pièce de théâtre, l’estimant tout à fait « légitime pour raconter cette histoire dans le milieu des braconniers de rhinocéros en Afrique du Sud », avec l’idée d’un tournage d’ici deux ans.
Enfin, pour aller au bout du « rêve de gosse », YTA productions et Writerz, de Jérôme L’Hotsky ont racheté les droits de Rahan, « avec l’idée, en tout cas l’ambition, d’une adaptation live au cinéma ». Rahan a inspiré 90 albums et deux séries animées, mais il a, pour l’heure, résisté à toutes les entreprises d’adaptation en prises de vues réelles. « Nous avançons sur une histoire, car en fonction des options choisies, les technologies à adopter seront différentes. Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura beaucoup d’effets spéciaux, de décors et de bestioles à créer. » À ses défis s’ajoute celui de faire voyager ce héros certes très connu en France, « mais pas tant à l’étranger », rappelle le producteur. « Il a beau être ancré dans la préhistoire, Rahan est un personnage avant gardiste et moderne : humaniste, féministe, défenseur de l’écologie et des minorités. Au-delà de la génération des plus de 50 ans aujourd’hui, il sera capable de séduire un public international et transgénérationnel. Mais pour cela, la priorité est de trouver une histoire qui convienne à tout le monde, à commencer par le fils du créateur Roger Lécureux. »
Pour ce grand film d’aventure, les associés vont aller à la recherche d’autres partenaires. « La route est longue mais le voyage est très beau », conclut Jean-Michel Lorenzi, en ne gardant, pour seule boussole de carrière, que « les films que j’ai envie de voir et de partager ».
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