Il n’est pas le plus connu de la Nouvelle Vague, et pourtant il fait partie des plus appréciés. Le réalisateur français, décédé en juin 2023 à 96 ans, laisse derrière lui une filmographie étirée sur près de 50 ans, mais pourtant assez rare sur les écrans. Ses quatre principaux longs métrages seront de nouveau visibles en salles, à partir du 4 septembre, sous bannière Potemkine.
L’histoire est loin d’être anodine entre Jacques Rozier et le distributeur-éditeur, qui avait sorti en 2008 un coffret vidéo – son tout premier – autour du cinéaste. Nils Bouaziz, fondateur et gérant de Potemkine, se souvient de sa rencontre avec le réalisateur : « Il se méfiait de nous à cause de ses mauvaises expériences, mais il a fini par être touché par notre jeunesse et la flamme qui nous animait, la même qu’il avait dans les années 50 et 60. Nous avions à cœur de mettre en avant un grand cinéaste oublié de la Nouvelle Vague. » De cette même volonté est née l’idée, il y a quelques années, d’organiser une rétrospective en salles. En novembre 2021, la Cinémathèque française avait montré trois longs métrages de Rozier qu’elle avait restaurés : Adieu Philippine (1963), Les Naufragés de l’Île de la Tortue (1976) et Maine Océan (1986). Seul Du côté d’Orouët (1973) manquait à l’appel ; une aubaine pour Nils Bouaziz, qui « n’avait plus que celui-ci à restaurer, ce qui a allégé nos coûts ».
Placer et accompagner les films…
Passées les étapes de l’obtention des droits et de la restauration – effectuées avec mk2 –, il fallait choisir une date. Le 4 septembre s’est imposé assez naturellement : « En temps normal, le public cinéphile est rentré de vacances, donc nous maximisons nos chances, développe le fondateur de Potemkine. Également, nous nous situons vers la fin de l’été, ce qui correspond aux films de Rozier, qui prolongent la saison. Avec un peu de chance et au regard de la météo médiocre ces derniers mois, nous espérons que le beau temps se reportera en septembre, pour rester accordé aux films ! » De surcroît, Potemkine travaille sur une programmation de courts métrages du réalisateur, « qui en a fait beaucoup grâce à la télévision, explique Nils Bouaziz. Ils sont par ailleurs très appréciés, et cela nous a été beaucoup demandé. On espère pouvoir projeter la sélection à l’échelle nationale. »
Pour aller plus loin | Napoléon d’Abel Gance, restaurer la Cathédrale de Lumière
De nombreuses séances seront accompagnées, notamment par la présence de Bernard Ménez ; un des visages symboliques du cinéma de Jacques Rozier, à l’affiche de deux des films de la rétrospective, Du côté d’Orouët et Maine Océan. Également, des personnes « influencées par Rozier » présenteront des séances, à l’instar du réalisateur Guillaume Brac – qui a, à de nombreuses reprises, revendiqué sa filiation avec le cinéaste – et de l’acteur/réalisateur Mathieu Amalric. Enfin, un dépliant accompagnera les spectateurs curieux de découvrir Jacques Rozier, de son cinéma à sa personnalité. Au total, Nils Bouaziz souhaite projeter la rétrospective « dans 10 à 15 établissements au 4 septembre ». « Nous sommes conscients qu’il n’est pas évident de programmer quatre longs métrages au sortir des vacances, nous espérons donc que des cinémas accepteront de les prendre par la suite, afin d’installer la rétrospective sur le long terme. »
… sans oublier le format physique
En novembre suivra la sortie du coffret vidéo de la rétrospective, comprenant les quatre longs métrages, plusieurs courts, le documentaire Jacques Rozier, d’une vague à l’autre d’Emmanuel Barnault, présenté à Cannes Classics cette année, ainsi que Fifi Martingale ; film méconnu et objet de mystère pour beaucoup de cinéphiles. Nils Bouaziz ajoute que, « parmi les bonus, nous avons également eu la chance de rencontrer Yveline Céry, une des deux actrices d’Adieu Philippine qui vit maintenant aux États-Unis, mais qui était présente à Cannes pour le documentaire d’Emmanuel Barnault. Le coffret regorge de raretés, et je remercie Natacha Missoffe, responsable des éditions, pour son travail considérable ». Comme le cinéma de patrimoine n’est pas soumis à la chronologie des médias, la sortie du coffret a été placée à l’automne. Une manière, pour Nils Bouaziz, de créer « un événement important et unique » : « La sortie cinéma permet un plus large écho via la presse, comme on avait pu le voir avec la rétrospective sur Jean Eustache. Une sortie en vidéo physique aussi proche permet aux spectateurs ne pouvant pas voir les films de se les procurer rapidement. »
Alors, le 4 septembre il sera difficile de ne pas penser à la déclaration de Jean-Luc Godard lors du Festival de Cannes en 1962, qui avait adressé au public : « Si vous n’avez pas vu Yveline Céry danser le tcha tcha tcha dans Adieu Philippine, vous n’avez plus le droit de voir aucun film sur la Croisette ! »
Partager cet article