Lors du Congrès de Deauville, le syndicat présidé par Marie-Christine Désandré a publié les chiffres des bilans carbone menés dans 15 salles du réseau, représentatives de l’ensemble de l’exploitation française*.
Après l’impulsion du Shift Project en 2021, et de son rapport Décarbonons la Culture ! [voir le Boxoffice Pro du 15 décembre 2021], suivi un an plus tard du « Diagnostic énergétique des salles de cinéma » de l’observatoire de la transition écologique dans le cadre du Plan Action, Cinéo a initié la première étape de son projet « Construire et déployer un nouveau modèle d’exploitation soutenable de salles de cinéma », en association avec La Base. Lauréat du dispositif “France 2030 – Alternatives vertes pour la culture”, elle consiste en la réalisation de bilans carbones adaptés à l’exploitation, permettant de prendre en compte chaque poste et d’anticiper la mise en place de bilans carbones, annoncée pour 2027 par le Ministère de la Culture, dans son « Guide d’orientation et d’inspirations » (2023).
D’autres études Cinéo complèteront cette première phase de “Mesures” – enquêtes de mobilité, études déchets et recensement des consommations en eau – d’ici 2027, en parallèle de la mise en place des phases 2 et 3 d’“Innovations” et de “Formations”. Ces bilans carbones ont également servi de base pour le calculateur d’impact carbone Count, lancé par Cut ! au dernier Congrès.

830 000 tCO2e par an pour l’ensemble du parc cinématographique français
Les bilans carbone réalisés par Cinéo et La Base révèlent un chiffre inférieur de 22 % au million de tonnes de CO2 évalué par le Shift Project en 2021. Une différence qui s’explique par les efforts des exploitants depuis 2019, mais également par la baisse du nombre d’entrées entre les années de référence (-15 % entre 2019 et 2024) et une « granularité plus fine » de cette nouvelle étude.
Émissions moyennes de GES :
954 tCO2 par établissement
114 tCO2 par écran
94 tCO2 par séance4 kg CO2 par entrée
Mais si l’empreinte carbone moyenne par cinéma est chiffrée à 954 tCO2e, la consommation varie fortement en fonction des typologies d’établissements, et notamment de leur taille – avec un rapport moyen de 1 à 12 entre petite et grande exploitation (voir encart ci-dessous).
Impact carbone estimé par taille d’exploitation, par établissement :
Petite exploitation = 207 tCO2
Moyenne exploit = 679 tCO2/ciné
Grande exploitation = 2 527 tCO2/ciné
La salle de cinéma est donc le deuxième type d’établissement culturel le plus émetteur de gaz à effets de serre (GES) parmi ceux étudiés par le Ministère de la Culture, derrière l’opéra, et juste devant les orchestres et les Fonds régionaux d’art contemporains (Frac). À titre de comparaison, l’exploitation française émet autant en une année que les 92 000 habitants d’Avignon.

Les déplacements du public : 69 % des émissions
Premier poste d’émission, la mobilité des spectateurs représente 39 % à 78 % du bilan carbone des salles du panel, pour une moyenne de 69 %. Le trajet aller-retour moyen est évalué à 16 km, et représente 2,84 kg CO2 par spectateur.
6 cinémas sur 15 sont par ailleurs concernés par la “longue distance” – c’est-à-dire qu’une part importante de leur public ne réside pas à proximité à l’année –, que ce soit en tant que pôle touristique (1 établissement) ou destination de week-end. Pour prendre en compte ce critère, un quote-part a été intégré.
Pour la “courte distance”, les moyens de locomotion varient fortement : un cinéma du panel n’est accessible qu’en voiture, et six autres dépendants de la voiture (qui concerne 80 % de leur public), mais la marche peut concerner jusqu’à 75 % des spectateurs – deux cinémas étant dans une situation “d’hyper proximité”, où la voiture concerne moins de 10 % du public.

Le fonctionnement : un poste créé pour s’adapter aux réalités des salles
On remarquera que la moitié des émissions de ce poste (par ailleurs le deuxième plus important) sont relatives au bâtiment, intégrant notamment l’amortissement de la construction et des travaux réalisés. L’énergie arrive à la seconde place, et intègrent la consommation électrique (48 %), la climatisation (37 %) et le gaz naturel (15 %, 4 cinémas sur 15 du panel concernés). Les activités de bureau (16 %), l’équipe du cinéma (6 %) dépassent de loin les déplacements professionnels, responsables d’1% des émissions de ce poste.
Consommation moyenne d’énergie :
429 MWh par établissement
40 kWh par séance
138 kWh par m²
1 kWh d’électricité = 58 g CO2e1 kWh de gaz = 239 g CO2e
Les salles et cabines : 2 à 20 % des bilans carbones
En plus du fonctionnement, Cinéo distingue un poste “Salles et cabines”, comprenant le matériel de projection, responsable d’environ 4 % de l’impact carbone total des salles. 57 % de cette part est liée aux fauteuils, loin devant le matériel de projection (14 % pour les projecteurs, 13 % pour le son et 9 % pour les écrans), le stockage et la réception des films (7 %).
Boissons et confiseries : les produits chocolatés dans le viseur
En moyenne, les cinémas du panel ont vendu 30 tonnes de confiserie en 2024, soit 104 g par spectateur. L’impact carbone de cette consommation provient à 93 % de leur fabrication, le frêt représentant “seulement” 5 %. Comme l’indique le graphique ci-dessous, les produits chocolatés émettent davantage de CO2 (5 % de la masse vendue contre 45 % des émissions), tandis que les sodas, qui comptent pour un tiers des ventes, comptent pour seulement 14 % des émissions. À noter que la méthodologie du bilan carbone, centrée sur les émissions de gaz à effet de serre, n’analyse pas l’impact environnemental complet de cette consommation (pollution), ni ses conséquences sanitaires.

Les déchets : responsable de 1 % à 9 % des émissions
L’étude révèle enfin que 51 tonnes de déchets sont produites par établissement, soit 210 g par entrée. Cette mesure se doublera prochainement de nouvelles analyses, permettant de mesurer la pollution engendrée.
* Critères de sélection : géographie, accessibilité (transports), taille (3 petites exploitations, 9 moyennes et 3 grandes), technologie, bâtiment, activité
Partager cet article