Comme à l’accoutumée, la conférence Europa Cinemas commence par un éclairage sur le pays qui l’accueille. L’occasion de faire un point sur le territoire des pays baltes, englobant la Lituanie, l’Estonie et la Lettonie.
Les pays baltes en chiffres
Bien que les dix dernières années aient vu le parc balte se transformer, les entrées de 2023 sont loin d’être revenues aux niveaux pré-pandémiques, accusant une baisse globale de 23 % par rapport à 2019. Cependant, la situation semble se redresser en 2024. D’après Miglé Morkūnaitè, responsable de la distribution et du marketing salles d’Acme Film Batics – le plus gros distributeur de films indépendants –, la Lituanie pourrait même réaliser sa meilleure recette au box-office. Une remontée qui s’explique par une forte part de marché de films nationaux, de 23 % cette année (vs 15 % en 2023). Trois films lituaniens populaires – dont le numéro un du box-office 2024, Milijonieriaus palikimas (L’Héritage d’un millionnaire), a réalisé 1,8 M€ – ont ainsi généré plus d’entrées que Barbie et Oppenheimer en trustant la moitié des entrées du premier trimestre. A contrario, l‘Estonie, s’en sort moins en 2024, notamment en raison de sa part de marché de films nationaux de 11 % (vs 20 % en 2023). La Lettonie, quant à elle, s’aligne sur les entrées 2023, fortement soutenue par le film d’animation Flow de Gints Zilbalodis, fierté nationale, qui a renversé la tendance depuis septembre.
De manière générale, l’animation tient une place prépondérante parmi les films indépendants dans l’ensemble des territoires : Croquette, le chat merveilleux (Ten Lives), a ainsi réalisé le meilleur résultat de tous les temps pour un film d’animation en Lituanie, tandis que le film ukrainien Mavka (Le Royaume de Naya) dépassait les résultats des animations de majors. Une réussite qui ne compense pas suffisamment la part moyenne des films américains dans les pays baltes, de 65 % en 2023, indiquant « un marché local qui nécessite d’être boosté urgemment », d’après Eda Koppel, responsable projet de la Tallinn Industry Academy et du festival Tallinn Blacknight.
Côté exploitation, le modèle économique s’avère très tendu. Kristi Porila gère le Thule Kino sur une île estonienne de 30 000 habitants, où est également implanté le circuit Apollo, propriétaire de 80 % du parc balte, mais aussi distributeur. Afin de se différencier et d’être en mesure de proposer des films européens, l’exploitante a dû devenir elle-même distributrice (notamment de la Palme d’or 2022 Sans filtre et Les Feuilles mortes). « Les salles art et essai indépendantes ont besoin de davantage de soutien pour survivre ! Nous estimons que nous faisons un travail d’intérêt commun, mais qui est très difficile », dit-elle en saluant l’aide de l’Estonian Film Foundation. Kristi Porila pose ainsi son calcul « en 2023, les films européens réalisent 12 % de la fréquentation sur environ 150 films ; la moyenne par film est très faible [ndlr : 2 240 entrées par film européen] ».
Dans ce contexte, les festivals jouent un rôle clé, en témoigne Algirdas Ramaska, directeur du Vilnius International Film Festival qui, également par nécessité, s’est lancé dans la distribution. « Non seulement les droits de diffusion sont très chers pour un festival, mais il était très frustrant de ne projeter qu’une seule fois un film après un gros travail de promotion. » Ainsi, le directeur du festival a pu étendre la manifestation hors les murs à travers tout le pays, déplorant malgré tout l’obligation d’acquérir les films pour l’ensemble du territoire balte ; une façon pour lui d’aider le cinéma indépendant à survivre tout en forgeant la cinéphilie de demain. En 2019, le festival de Vilnius a réalisé 125 000 entrées dans 19 villes pendant deux semaines.
Maris Prombergs, du mono-écran d’art et essai Kino Blize en Lettonie, regrette quant à lui un manque de fédération au sein de la profession. Lors d’une session Bootcamp, nouveau programme de formation collaborative d‘Europa Cinemas [voir Boxoffice Pro n°476], les professionnels étaient réunis pour la première fois, pour échanger autour de la stratégie marketing. « C’était incroyable ! ensemble, nous pouvons construire une stratégie volontariste pour vraiment connaître notre public ».
Bien que terres de tournage depuis de nombreuses années grâce à des politiques incitatrices, les pays baltes ont de nombreux défis à relever. Les professionnels réclament un soutien public accru, une meilleure concertation pour comprendre les attentes des publics et le développement des coproductions européennes et internationales.
Article paru dans le Boxoffice Pro du 18 décembre 2024.
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