La dernière session de formation en ligne de l’AFCAE était consacrée à la programmation des salles, au moment de la réouverture et au-delà. Où la majorité des indépendants, exploitants et distributeurs, se sont dit favorables à la concertation et la régulation.
Ce n’est pas nouveau. Le besoin d’avoir accès aux films porteurs pour la petite exploitation art et essai tout en préservant les films de la diversité, la question du nombre de séances exigées et du nombre de semaines pour exister, la multiprogrammation et toujours la concurrence entre gros et petits… qu’ils soient exploitants ou distributeurs. Autant de questions exacerbées par l’interminable période de fermeture et l’embouteillage de films qui s’annonce à la reprise. « Il y a en France 420 films à sortir », a rappelé Étienne Ollagnier, distributeur chez Jour2Fête mais aussi co-président du SDI, qui intervenait lors de la session proposée par l’AFCAE ce mercredi 7. « Ce que nous demandons au CNC, à la Médiatrice du cinéma et aux autorités compétentes, c’est un arsenal d’outils pour éviter le pire. Le pire étant que l’on positionne tous nos films en retard en même temps, ce qui serait dramatique pour l’ensemble de la filière. »
Le CNC a déjà mis en place une mesure permettant à certains films, pendant une période limitée, de trouver une autre solution de diffusion, ce qui ne devrait concerner que 3 ou 4 % des titres en attente. On sait aussi que plusieurs organisations d’indépendants, notamment réunies au sein du BLOC, souhaitent pouvoir se concerter sur le calendrier des sorties et ont demandé à la Médiatrice du cinéma de saisir l’Autorité de la concurrence pour y être autorisés. Ils doivent encore être auditionnés demain matin, jeudi 8 avril, et espèrent que l’avis soit rendu la semaine prochaine.
Un calendrier glissant plutôt que des dates fixes
Leur principale proposition est de travailler sur un calendrier glissant. « Puisqu’on ne connaît pas la date précise de réouverture des cinémas, l’idée est de définir le premier mois de reprise quelle qu’en soit la date, en privilégiant les films dont la campagne était lancée et qui étaient prêts à sortir, en établissant un ordre pour chacun d’entre eux. Un calendrier glissant qui permettrait de communiquer dès maintenant sur les films qui sortiront « le jour de la réouverture » ou « en 2e semaine » plutôt qu’annoncer des dates qui devront changer au fur et à mesure des décisions gouvernementales, comme cela a été le cas jusqu’à présent », explique Étienne Ollagnier. Un principe qui serait « une aubaine » pour David Obadia, programmateur indépendant chez DOPIC et notamment de plusieurs salles parisiennes, qui voit là « la possibilité d’avancer sur la programmation et les événements, pour les premières semaines, même sur une date lointaine ».
Certes, la limitation des jauges à la réouverture et l’éventualité d’un couvre feu peut ralentir le nombre de sorties dans un premier temps. Mais selon Étienne Ollagnier, « il faut proposer une offre diversifiée dès la réouverture, pour que le public revienne, et donner nos films aux petites villes et petites exploitations dès les premières semaines. En période de crise nous devons faire des concessions et des sacrifices. Chez Jour2Fête, nous sommes prêts à sortir Slalom quelles que soient les conditions. Et même si l’été n’est pas la meilleure période, il faut qu’on la vive comme une fête ! »
D’autres comme Emmélie Grée, distributrice chez Ad Vitam, réitèrent l’idée d’une période blanche pour programmer les films en attente, ou « les plus meurtris… sous réserve qu’ils ne soient pas partis entre temps sur d’autres supports », précise Christine Beauchemin-Flot, directrice du Sélect à Antony. Pour elle, la régulation est toujours nécessaire et « nous avons désormais besoin d’une charte de bonne conduite qui passe à un niveau supérieur », notamment pour que « les plus gros distributeurs soient attentifs à laisser de la place aux films de la diversité et qu’ils comprennent les vertus de la multiprogrammation, qui a fait ses preuves ».
Car l’été 2021 ne sera pas l’été 2020. « En juin dernier, ce sont surtout les indépendants français qui ont pris des risques et sorti des films », rappelle le président du SDI, pour lequel cette période a été toutefois « une expérimentation inédite et intéressante ». Mais en juin 2021, « les salles étant cette fois rouvertes aux États-Unis, on voit que certaines majors américaines ont redaté leurs films à raison d’une sortie par semaine : à ce rythme, et sachant leur nombre élevé de copies, nos films indépendants n’auront plus de place, ce qui nous fait très peur. Et ce sont ces gros distributeurs qui ne souhaitent pas discuter avec nous d’un calendrier concerté ».
Et si chacun sait que la place des films d’auteur va dépendre du nombre global de films, le président du SDI souligne qu’il est dans l’intérêt de tous de fixer des règles, en limitant le nombre de sorties pour chaque distributeur. « Car si 60 films sortent par semaine, tout le monde en souffrira. Il y a des efforts collectifs à faire et la période de crise nous aura appris que le dialogue est essentiel ».
Les participants à cette session « entre indépendants » se sont dits à 82 % favorables à un « calendrier concerté glissant » : reste à savoir si le dialogue avec les tenants de la libre concurrence sera possible… quel que soit l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence.
L’intégralité de la session AFCAE « Programmation : d’aujourd’hui à demain » à revoir en replay :
Partager cet article