CONGRÈS FNCF | Le président de la Fédération nationale des cinémas français, à quelques heures du 78e rendez-vous annuel de l’exploitation, trace les contours des discussions. Entre optimisme, lucidité et dialogue.
Le Congrès de la FNCF s’ouvre après un été qui a quasiment retrouvé le niveau de fréquentation de 2019. Quels sont les points de satisfaction et de vigilance de ce premier bilan 2023 ?
Lors des différentes assemblées générales, j’avais parié que nous serions à 180 millions d’entrées à la sortie de l’été. Nous avons réalisé 183 millions sur l’année glissante et 128 millions depuis janvier. Malgré quelques nuages dus à la grève des scénaristes et acteurs américains, la fin de l’année devrait permettre de tenir l’objectif des 190 millions de spectateurs. L’offre est objectivement alléchante, avec une grande variété de films américains, français, art et essai et grand public. Il faut également souligner l’implication exceptionnelle des talents et réalisateurs français sur les tournées province des films de rentrée, que ce soit Nakache et Toledano, Albert Dupontel, Arielle Dombasle ou Jean-Pierre Améris, après celle des distributeurs sur des films à thème comme Les Algues vertes ou La Syndicaliste ; sans parler du succès d’Anatomie d’une chute, que Le Pacte a eu l’audace de sortir fin août, c’était un pari ! Tout le monde a compris que le public était de retour, que les salles étaient bien présentes et impliquées. Toutes les typologies d’exploitations ont vu leur fréquentation augmenter, bien que les plus grands équipements aient un peu plus de retard, qu’ils rattrapent petit à petit.
Néanmoins, nous ne sommes pas sortis d’affaire. Si nous sommes sur le point de retrouver notre chiffre d’affaires prépandémique, les charges d’exploitation ont explosé de plus de 30 %. La première cause est le coût de l’énergie. Même si nous avons beaucoup travaillé à la Fédération pour contenir l’augmentation de la facture, elle a malgré tout au minimum doublé, et ne baissera pas dans un futur proche. Deuxièmement, le prix des matières premières et des équipements a considérablement augmenté, que ce soit celui des fauteuils, des projecteurs ou de la rénovation d’un bâtiment. À cela s’ajoute la hausse des taux d’intérêts, dans un contexte où, pour rappel, les cinémas remboursent déjà leurs PGE.
Le troisième facteur d’augmentation de nos charges est l’accompagnement de nos salariés. Cette année, nous avons signé un accord conventionnel afin de revaloriser les salaires (en moyenne +5 %) et les adapter à l’inflation. Nous en sommes très fiers car c’est primordial pour nos métiers de garder nos collaborateurs et nos talents. En revanche, le tarif des places de cinéma n’a pas suivi le rythme de l’inflation. Notre préoccupation majeure est donc de reconstituer nos marges pour construire le cinéma de demain.
Dans ce contexte, comment la salle de demain peut-elle avoir les moyens de ses ambitions et être “attractive et écologique”, comme vous l’appeliez de vos vœux l’année dernière ?
Nous sommes face à des enjeux capitaux d’investissement, tant en termes d’écologie, de premiumisation que d’adaptation des salles au public. Ce serait une terrible erreur, au moment où les voyants sont au vert, d’arrêter d’investir et de rester sur nos acquis. Ce sont des investissements que nous devons faire aujourd’hui, pour mieux économiser, réduire les charges et être vertueux demain. Notre devoir est d’alerter les élus afin qu’ils prennent conscience de cette nécessité. Nous devons accélérer sur l’enjeu du passage au laser, car cela va prendre du temps. Certes, le gouvernement est confronté à des contraintes budgétaires importantes, mais par ailleurs il met en place un plan d’investissement de rénovation écologique très important. La culture et les cinémas doivent s’inscrire dans ce plan, en lien avec les objectifs du décret tertiaire. Notre travail est d’être convaincant vis-à-vis du gouvernement et des parlementaires afin qu’ils comprennent que les cinémas doivent continuer à investir, et à se verdir. C’est notre grande cause pour les prochaines années.
D’autre part, nous présenterons officiellement au Congrès la nouvelle commission de la Fédération, présidée par Marie-Christine Desandré, sur les questions écologiques. Elle sera chargée de proposer des solutions pratiques et des méthodologies, que ce soit pour la gestion des déchets, l’économie d’énergie mais aussi la production d’énergie dans les salles, les modes de climatisation ou encore la rénovation bâtimentaire. Les salles sont plus exemplaires qu’elles n’y paraissent et certaines sont autosuffisantes en énergie. Nous devons nous appuyer sur leur expérience.
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De nombreux rapports ont été publiés l’année dernière, dont les sujets centraux portaient sur la réforme de l’art essai et les engagements de programmation. Qu’en est-il aujourd’hui ?
En effet, nous avons été sujets à beaucoup d’attention de la part des parlementaires… À présent, il faut les traduire. Ce sont des sujets cruciaux et complexes, sur lesquels nous serons extrêmement vigilants, car l’aide art et essai – pour rappel d’un montant de 18 millions d’euros – est capitale. Nous n’accepterons pas que certaines salles sortent du classement, c’est capital que leur travail soit reconnu au niveau territorial. Mais il faut être attentif à avoir une concertation avec tous, en rassemblant au lieu de renforcer les divisions. Si les salles les plus engagées ont vu leur part de subvention baisser, ce n’est pas à elles de financer le reste de la réforme. Aujourd’hui nous avons besoin d’une vision claire sur la façon dont la réforme va être traitée, sans bâcler les discussions. C’est un sujet lourd, technique, avec de nombreux effets de bord et différents niveaux de législation, qui vont prendre beaucoup de temps. Au Congrès, nous attendons que le CNC et la ministre de la Culture annoncent un calendrier précis sur ce sujet ainsi que sur ceux des engagements de programmation et les cartes illimitées.
Concernant les dispositifs d’éducation à l’image, nous restons aussi très vigilants. Les jeunes sont nos futurs spectateurs. Nous avons œuvré pour la revalorisation du billet qui commence à porter ses fruits, ainsi que l’élargissement du dispositif avec les maternelles d’un côté et les universités de l’autre. Le volet collectif du pass Culture est aussi une formidable opportunité pour les salles d’élargir la fréquentation scolaire. Nous avons un rôle social et éducatif à jouer dans un monde d’abondance des images. Notre plus grand sujet de satisfaction est que, comme cet été, les jeunes viennent nombreux au cinéma et développent une vraie culture cinéphilique. C’est le cœur de notre métier.
Vous êtes confiant pour la fin de cette année, mais que vous inspire la grève des acteurs et scénaristes américains ?
D’abord, nous pensons à nos confrères américains et à l’impact que cela aura sur 2024. Nous avons un équilibre fragile et globalisé et avons besoin du cinéma américain, pour nos spectateurs mais aussi pour financer notre cinéma français. D’autre part, il s’agit d’une grève multifactorielle, dont beaucoup de peurs autour de l’intelligence artificielle. Il nous faut utiliser cet outil formidable, mais surtout encadrer les questions des droits d’auteur. Nous résisterons à cette mutation, le cinéma en a connu bien d’autres. Je suis d’autant plus confiant que la crise sanitaire a permis de montrer, plus que jamais, que la salle de cinéma n’était ni un gadget ni une simple vitrine, mais bien un élément majeur de valorisation économique pour toute la filière.
Pour finir sur le Congrès en lui-même, comment s’annonce-t-il ?
Le Congrès est toujours un lieu à la fois d’information, d’échanges mais aussi de détente ; pas de gros changements dans la forme, mais pourtant un renouvellement permanent. Nous réitérons nos formats d’ateliers courts le mardi avec les différentes commissions de la Fédération. Nous sommes aussi très fiers de la table ronde du mercredi matin, animée par Julien Marcel avec des invités de grande qualité, dont l’objectif sera de montrer comment se passe la reprise à l’étranger, en miroir avec la France. L’après-midi, nous accueillerons la ministre de la Culture, après les débats avec les pouvoirs publics. L’hommage à François Ozon sera exceptionnel, et finira par une soirée de gala aux Franciscaines. Enfin, la journée des éditeurs s’annonce riche de 32 présentations de distributeurs et d’une quinzaine d’équipes de films. Pour finir en beauté, cette année sera le grand retour de la soirée de clôture du congrès, pour les 30 ans d’AlloCiné, au casino de Deauville.
Nous sommes très fiers de ce programme et, au-delà du plaisir de tous nous rassembler, c’est un rendez-vous politique important de notre rentrée.
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