Depuis ce 9 mars à minuit, la population calédonienne est soumise à un second confinement strict. Les cinémas du groupe Hickson ne peuvent plus accueillir leur public… qui, comme ailleurs en outre-mer, se faisait de plus en plus rare.
Le week-end dernier, c’est un cyclone qui a contraint Douglas Hickson à fermer son multiplexe de 12 salles, le Cinécity de Nouméa. Aujourd’hui, et alors que la Nouvelle-Calédonie avait réussi à contenir le virus depuis le printemps 2020, c’est donc le confinement décidé par les autorités qui met fin à une drôle de période pour les cinémas, ouverts depuis le 1er juillet mais, comme dans les autres territoires d’outre-mer, sans nouveaux films à proposer.
Actuellement le seul opérateur de Nouvelle-Calédonie – il exploite aussi deux salles en DSP à Koné et programme les salles communales à Bourail et La Foa –, le groupe Hickson gère aussi trois cinémas à Tahiti. Via sa société Trident Export Import, il est aussi distributeur, sur le même principe que Filmdis aux Antilles (groupe Elizé) ou MauRéfilms à La Réunion (groupe Ethève) : il acquiert les droits auprès des distributeurs internationaux pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Mais « les films ne sortant plus en Métropole depuis fin octobre, il a été impossible de s’approvisionner en nouveautés, à de rares exceptions près, dont Wonder Woman 1984, proposé uniquement en VOSTF ». Certes, depuis juillet, les cinémas du groupe Hickson ont pu programmer beaucoup de films d’auteur de 2020 « qui ont fait le bonheur des cinéphiles les plus militants », mais n’ont permis d’atteindre que 30 % d’une fréquentation « normale ». « Nous avons également reprogrammé des productions Disney durant les vacances de l’été austral en février, ou encore un moyen métrage calédonien, Bob Mission, qui a attiré quelques centaines de spectateurs. »
Face au blocage des sorties en Métropole, Douglas Hickson s’est tourné vers d’autres vendeurs pour alimenter ses écrans. « J’ai contacté par exemple Timeless Films, société basée à Londres, pour avoir les droits de Dragon Rider, dont je savais qu’il était sorti dans certains pays européens et avait des sous-titres français. On m’a répondu que le film avait été vendu à Netflix et qu’il ne sortirait donc plus en salles quel que soit le territoire. » Même réponse pour un autre film d’animation, Jungle Beat: The Movie, mais aucune nouvelle de la société américaine qui gère les droits du thriller The Dry, de Robert Connolly, sorti en Australie en janvier et que Douglas Hickson espérait programmer. « Je déploie une énergie énorme pour trouver d’autres films, mais je n’y arrive pas ! » Ainsi depuis la reprise des classes mi-février, le Cinécity de Nouméa a réduit ses jours d’ouverture au mercredi et au week-end.
« On ne donne rien au CNC, donc on ne reçoit rien »
Difficile de survivre dans ces conditions, d’autant que la collectivité autonome (COM) de Nouvelle-Calédonie traversait déjà une grave crise économique et que les cinémas ne perçoivent aucune aide des collectivités. De façon générale, si le chômage partiel relève de la compétence locale, les fonds alloués par l’État français ont permis aux salariés des cinémas Hickson d’en bénéficier depuis mars 2020. Les entreprises ont aussi accès au PGE ; « quant au fonds de solidarité, nous avons eu l’accord pour la Polynésie et j’ai bon espoir de l’obtenir aussi pour la Nouvelle-Calédonie. » En revanche, le territoire n’entre pas dans le champ du CNC et ne bénéficie donc pas des soutiens sectoriels. Hormis certaines règles sur le droit d’auteur et une « petite » chronologie des médias, les cinémas du groupe Hickson ne sont pas soumis à la TSA. « On ne donne rien, donc on ne reçoit rien », résume l’exploitant-distributeur, qui en arrive à ce constat : « On perd plus en étant ouvert que fermé. »
Du côté de la Polynésie française, il ne reste plus que deux écrans ouverts sur les sept exploités par Pacific Films, la société du groupe Hickson pour Tahiti. « Et l’arrêt de nos activités en Nouvelle-Calédonie pourrait entraîner la fermeture de ces deux dernières salles. » Pour le moment, le confinement a été décrété pour 15 jours et il n’y a aucune visibilité sur la suite. Mais quand on demande à Douglas Hickson s’il rouvrirait ses salles en cas d’autorisation prochaine, il répond : « Franchement, je n’en sais rien. Ces derniers mois nous avons déployé des efforts incroyables pour maintenir notre activité… pour pas grand chose. Nous craignons ne pas être en mesure de rouvrir avant la reprise en Métropole. »
Et ailleurs en outre-mer
Si la situation sanitaire, et donc l’activité des cinémas, varie selon les différents territoires d’outre-mer, tous sont confrontés au même manque de films. Ainsi à La Réunion, où le couvre-feu a été avancé de 22 h à 18 h depuis le 5 mars, les cinémas sont limités à deux ou trois séances par jour et la plupart ont décidé de fermer plusieurs jours par semaine. Le groupe Ethève confiait la semaine dernière à AlloCiné que certes, « nos salles sont ouvertes, mais tristement vides ». Et après un frémissement, comme en Métropole, aux vacances de la Toussaint, « depuis début novembre, c’est la descente aux enfers et ce malgré la sortie de Wonder Woman 1984 le 25 décembre. »
En Guadeloupe, le CineStar des Abymes, fermé les lundi et mardi, propose ses dernières séances aux alentours de 19h, pour respecter le couvre-feu de 22h. Il n’est qu’à 23h en Guyane, mais les cinémas, là aussi, y tournent au ralenti. Le groupe Elizé propose deux séances par jour à L’Agora de Cayenne/Matoury et L’Urania de Kourou est fermé pour le moment. Et s’il n’y a pas de restrictions imposées en Martinique, où le multiplexe Madiana de Schoelcher maintient ses séances, la programmation peine à se renouveler : 30 jours max et ADN depuis octobre, Wonder Woman 1984 depuis décembre…
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