La filière cinématographique conserve sa dynamique positive en matière de parité

Dans La Prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy, alors que son mari est emprisonné, Hafsia Herzi se lie d'amitié avec Isabelle Huppert. © Les Films du Losange

Malgré un recul de quelques indicateurs, 2023 reste dans la tendance à l’équilibre impulsée ces dernières années.

Comme chaque année depuis 2014, l’Observatoire de l’égalité Femmes-Hommes du CNC a livré les chiffres de la répartition genrée de la filière. Lors de la présentation du rapport, ce 14 novembre, Olivier Henrard, président par intérim, a rappelé les nombreuses actions du Centre en faveur d’une meilleure parité. Sur le versant de l’éducation à l’image, 54 % des 29 œuvres intégrant le catalogue ont été réalisées ou co-réalisées par des femmes, parmi lesquelles Proxima d’Alice Winocour, Lady Bird de Greta Gerwig ou encore Delphine et Carole Insoumuses de Callisto McNulty. La documentation de chaque titre de “Ma Classe au cinéma” abordera en outre « la question de la représentation des femmes à l’écran et des stéréotypes ». 

Olivier Henrard rappelle également que de nombreux effectifs au sein des formations en cinéma, audiovisuel et jeu vidéo se sont féminisés, à l’instar de ceux de La Fémis et de l’École supérieure de réalisation audiovisuelle (Esra). Par ailleurs, plus de 105 films réalisés par des femmes ont bénéficié de l’aide à la numérisation des œuvres : « Les chefs d’œuvre de Musidora, Yannick Bellon, Agnès Varda, Germaine Dulac, Jacqueline Audry, Claire Simon, Claire Denis, pour ne citer qu’elles, ont ainsi pu trouver une seconde vie et féminiser durablement notre imaginaire collectif cinématographique. » Et, bien évidemment, sur ces dernières années, ce sont les réalisatrices qui ont particulièrement fait le cinéma français à l’international, avec de multiples récompenses dans des festivals prestigieux, entre les Palmes d’or Titane de Julia Ducournau (2021) et Anatomie d’une chute de Justine Triet (2023), le Lion d’or L’Événement d’Audrey Diwan (2021) et l’Ours d’or Dahomey de Mati Diop (2024).

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(Presque) tous les indicateurs en hausse

En 2023, 108 705 des 248 166 salariés des secteurs cinéma et audiovisuel étaient des femmes, soit une part stable de 43,8 % par rapport à 2022 (+0,2 %), et supérieure de 1,1 % par rapport à 2019. Les principales progressions depuis 2019 sont observées dans les filières de la production et des prestations techniques, avec respectivement +1,5 % et +2,7 % depuis la période prépandémique. En outre, la distribution et l’exploitation, malgré une baisse des femmes dans leurs effectifs depuis quatre ans (respectivement -1,6 % et -0,4 %), restent majoritairement féminines. 

Source : CNC

Du côté de la production, la proportion de femmes travaillant dans l’animation augmente considérablement (+4,1 %), pour atteindre les 41,5 %. Un fossé générationnel se remarque également : si les femmes représentent 38,3 % des salariés de plus de 50 ans dans la production, leur part monte à 48,8 % chez les moins de 30 ans ; de quoi espérer à terme, pour Cécile Lacoue, directrice des études, des statistiques et de la stratégie du CNC, « un marché entièrement paritaire ». Des améliorations sont aussi observées au sein de l’actorat féminin, où 26,7 % des actrices sont âgées de plus de 50 ans, soit le plus haut niveau de la décennie. En revanche, passé ce cap, on dénombre 34,9 % d’actrices, contre 65,1 % d’acteurs.

Par ailleurs, les femmes représentent 45 % des effectifs de la production de FIF* de fiction en 2023, soit une hausse de deux points par rapport à 2022. Les postes restent très genrés, avec une surreprésentation féminine notamment du côté du maquillage (88,7 %) et des costumes (87,1 %). Certains postes sous-représentés sont toutefois en hausse depuis 2019, à l’instar des machinistes (9,2 %, +5,6 points), des effets physiques (10,9 %, +7,3 points) et des électriciens de prises de vues (15,8 %, +7,3 points). En revanche, le salaire horaire moyen reste encore très inégalitaire ; une des raisons évoquées par Cécile Lacoue est la grande présence des hommes à des postes clés, donc mieux payés.

Source : CNC

Le principal indicateur à la baisse se situe du côté de la réalisation : en 2023, 64 films ont été réalisés ou co-réalisés par des femmes, soit cinq de moins qu’en 2022. « Cela n’invalide pas la tendance qui, elle, est à la hausse depuis 20 ans, explique Cécile Lacoue. C’est un signe que le progrès n’est pas continu, et qu’il faut rester vigilant sur ces questions. » Le devis moyen de films strictement réalisés par des femmes est quant à lui à 3,89 M€ (contre 5,18 M€ pour les hommes), un niveau jamais atteint depuis 2009, bien que les films à très gros budgets soient presque tous réservés aux hommes (19 longs métrages à plus de 10 M€ réalisés par des hommes, contre 2 pour les femmes, à savoir Boléro d’Anne Fontaine et Emmanuelle d’Audrey Diwan). Enfin, la directrice des études souligne que 35,2 % des FIF agréés en 2023 ont été éligibles au bonus parité du CNC, une majoration de 14,21 % du soutien automatique déterminé selon la présence des femmes sur certains postes clés ; là-aussi, la tendance est à la hausse depuis 2019 (+23,1 %). En outre, plus de deux tiers des films éligibles étaient réalisés ou co-réalisés par des femmes.

* Film d’initiative française

Boléro d’Anne Fontaine est un des deux films réalisés par une femme en 2023 dont le budget dépasse 10 M€. © SND
Dans La Prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy, alors que son mari est emprisonné, Hafsia Herzi se lie d'amitié avec Isabelle Huppert. © Les Films du Losange