La reprise des cinémas en Italie selon Mario Lorini

LA STRANEZZA de Roberto Andò, avec Toni Servillo en Pirandello, le carton des salles italiennes en 2022. © Medusa Film

Alors que la fréquentation des cinémas d’Europe reprend à des rythmes différents selon les territoires, le président de l’Anec (Associazione nazionale esercenti cinema), soit la fédération des exploitants italiens, analyse les spécificités de son pays. Entretien.  

Mario Lorini

Quels sont les difficultés les plus notables rencontrées par les cinémas italiens sur le chemin de la reprise ? 

Ce qui a pesé avant tout, c’est la lenteur du public, par rapport à la plupart des marchés européens, à reprendre l’habitude d’aller au cinéma. Mais il faut souligner qu’en Italie, l’obligation de porter le masque dans les lieux de spectacle est restée en vigueur jusqu’en juin 2022, dernière d’une série de mesures particulièrement sévères qui ont créé une “méfiance” des spectateurs vis-à-vis des cinémas, malgré leur sécurité totale.

La sortie salle des films ayant reçu des subventions publiques avait été rendue facultative pendant la période de fermeture des cinémas italiens, puis raccourcie à 30 jours. Cette remise en cause de l’exclusivité de la fenêtre n’a-t-elle pas aussi eu un grand impact ? 

En effet, elle a généré de la confusion, donnant l’impression que tout film pouvait être vu n’importe où après un court laps de temps. Ce n’est qu’à la fin de l’été 2022 qu’a été rétablie l’exclusivité salle, précédemment en vigueur, de 90 jours pour les films financièrement soutenus par l’État italien. Le Parlement précédent recommandait l’instauration d’une fenêtre salle appropriée pour tous les films distribués au cinéma ; le gouvernement actuel s’est à plusieurs reprises déclaré favorable à cette disposition que nous espérons bientôt voir adoptée.

Quelles sont vos autres sources d’optimisme pour l’année à venir ?

Les résultats de Top Gun : Maverick puis d’Avatar : La Voie de l’eau en fin d’année ont montré que le public jeune est particulièrement réceptif à l’offre de films à grand spectacle. Bien entendu, cela est allé de pair avec la mobilisation attentive des exploitants, qui ont créé des événements et diversifié leur programmation, de manière à reconquérir la partie du public qui avait plus de mal à revenir dans les salles. À ce titre, il faut souligner que l’arrivée sur les écrans, à partir de septembre, de films italiens variés et “compétitifs” – La Stranezza, Dante, Caravage, mais aussi Il grande giorno, Tre di troppo et Les Huit Montagnes pour n’en citer que quelques-uns – a permis de faire la différence. 

Avez-vous des projets de relance spécifiques pour le secteur, comme la Fête du Cinéma qui aura lieu à nouveau dans quelques mois ou l’opération estivale Moviement que vous aviez mise en place avant la crise sanitaire ? 

Cinema in Festa, qui a donné un signal fort en septembre dernier avec 1,1 million d’entrées pour sa première édition, est un projet de 5 ans. Il prévoit deux rendez-vous annuels : en juin pour piloter l’offre estivale, et en septembre à la fin de la Mostra de Venise. En plus de cette initiative, une opération promotionnelle soutenue par le Ministère de la Culture, via un fonds de 10 millions d’euros qui sera très probablement augmenté, vise à encourager la fréquentation estivale. Le point de départ de cette opération articulée sera les David di Donatello Awards, début mai, pour mener jusqu’au Cinema in festa de septembre. 

Comment les cinémas italiens se préparent-ils aux nouveaux défis de la crise énergétique ?

Au plus fort de la hausse du prix de l’énergie, de nombreux cinémas ont dû réduire leurs séances quotidiennes et fermer les jours de semaine les moins rentables, afin de pouvoir supporter la flambée des coûts qui, si elle s’était prolongée, serait devenue insoutenable pour beaucoup. Nous devons remercier les gouvernements qui, depuis le début de la pandémie, ont fait preuve d’une grande attention aux problèmes de notre secteur, notamment en attribuant un fonds de 15 millions d’euros pour faire face à l’augmentation des coûts énergétiques. 
Par ailleurs, la révision du mécanisme de crédit d’impôt pour les années 2022 et 2023 permet de soutenir l’exploitation cinématographique en stimulant les investissements en technologie et en confort, non seulement pour reconquérir le public perdu, mais aussi pour faire des cinémas des lieux en phase avec leur temps. Certes la reprise est plus lente en Italie qu’ailleurs, mais elle n’en sera pas moins complète et satisfaisante.

LA STRANEZZA de Roberto Andò, avec Toni Servillo en Pirandello, le carton des salles italiennes en 2022. © Medusa Film

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