En avant, jeunesse ! – Rencontre avec le comité 15-25

Une partie du comité 15-25

Créé il y a trois ans, le groupe occupe une place de plus en plus centrale auprès des salles et des distributeurs pour le renouvellement des publics. Ses résultats concluants poussent désormais l’Afcae à lui donner un rôle déterminant au sein de la diffusion culturelle pour les jeunes… par les jeunes.

Le comité 15-25 voit le jour en 2022, dans un fragile contexte post-pandémique, où l’expression “reconquête des publics” est sur les lèvres de tout le secteur. Si les seniors commencent à revenir en salles art et essai, le résultat est plus préoccupant pour les autres catégories d’âge, et un certain nombre d’initiatives à destination des jeunes se mettent en place. Courant 2021, le CNC crée notamment le fonds « jeunes cinéphiles », incitant les cinémas à instaurer des actions en faveur du public jeune, et lance l’appel à projets pour les 15-25 ans, pour encourager de nouveaux modes de diffusion. De son côté, l’Afcae crée sur ses fonds propres le comité 15-25. « Il y avait nécessité à mettre en place un groupe plus spécifique pour travailler sur cette tranche d’âge, composé de 32 professionnels de salles et d’associations territoriales [renouvelé tous les deux ans, ndlr.] », explique Cathy Géry, exploitante à la Maison de l’image à Aubenas, et co-responsable du comité. Sur la quinzaine de films visionnés chaque mois, les membres mettent en lumière plusieurs films et élaborent des accompagnements spécifiques pour leur coup de cœur mensuel. Si David Obadia, délégué général de l’Afcae, reconnaît « un vrai attachement aux premiers films par le nouveau regard qu’ils offrent » (la moitié des films recommandés en 2024 étaient des premiers longs), les critères de sélection sont larges. « Nous ne nous cantonnons pas qu’aux histoires d’adolescents, et cherchons aussi des récits de genre, d’inclusion… », énonce Cathy Géry. Car – et c’est « une des principales difficultés » –, les œuvres, bien que destinées prioritairement aux 15-25, doivent aussi parler aux autres générations ; d’où l’importance d’avoir des membres de tous âges dans le comité.

Un « travail de dentelle » crucial

Pour chaque coup de cœur, l’Afcae propose une série d’accompagnements, comme des quiz, blind-tests ou autres outils ludiques. Également, les webinaires faisant intervenir des équipes de films ou des spécialistes thématiques sont très appréciés, car ils permettent d’apporter un éclairage particulier sur le film en vue de son accompagnement en salle. Dans cette continuité, les rencontres-débats en visio se sont largement développées, car « beaucoup d’exploitants ont réalisé qu’ils pouvaient faire intervenir des cinéastes sans avoir à gérer leurs déplacements », explique Célia Olivié du cinéma Le Saleys de Salies-de-Béarn, et co-responsable du groupe. Également, les coups de cœur bénéficiant d’une visibilité accrue, de plus en plus de distributeurs sollicitent le comité en soumettant leurs films. « Par exemple, à la dernière AG de Véo, plusieurs distributeurs ont, lors de la présentation des line-ups, évoqué notre travail, observe l’exploitante. C’est vraiment quelque chose qui compte pour eux. »

Désormais, l’Afcae compte articuler davantage le dispositif Étudiant.es au cinéma autour du comité 15-25. © Cinéma Le Méliès à Pau

En outre, à travers les multiples sessions de réflexion, le comité est devenu en quelque sorte un « observatoire sur les 15-25 », et mieux identifier désormais les territoires où il est plus difficile d’aller chercher cette cible. « Il reste encore, dans certaines régions, un important travail de visibilité du cinéma ainsi que des films à mener. Et tout ce travail est bien plus complexe à mener dans les zones qui ne sont pas servies en termes de médiateurs culturels. » Et si les récentes (comme les éventuelles prochaines) coupes budgétaires fragilisent encore plus la diffusion territoriale, Cathy Géry tient à rappeler que « quand un travail de fond est mené par un cinéma, les résultats finissent par payer. De fil en aiguille, les exploitants s’approprient les films et les accompagnements, créant un effet boule de neige ». Un « travail de dentelle », comme le qualifie Célia Olivié, mais « crucial pour le renouvellement des publics ».

Depuis trois ans, le groupe estime que 200 salles ont pu bénéficier de son travail. Un résultat en « progression constante, qui montre que tous ces efforts sont nécessaires ». Le comité a aussi noué un partenariat avec le pass Culture, qui a permis d’attirer 10 000 spectateurs sur une opération spéciale pour Halloween avec près de 300 séances dans plus de 150 cinémas adhérents en France, illustrant bien « le déplacement naturel des jeunes vers certaines catégories de films, et à partir desquels il faut les capter », explique Cathy Géry. C’est cette « captation » qui permet ensuite, comme le relève Célia Olivié, « d’impliquer ce public dans la diffusion culturelle, que ce soit dans la programmation, la vie du lieu, et comment on la défend… En somme, lui faire comprendre ce qu’est un cinéma, et surtout un cinéma d’art et d’essai. L’important est de faire vivre autre chose aux jeunes dans les cinémas ».

Accroître le rôle du comité

Si les résultats du groupe sont positifs, Cathy Géry tient à rappeler qu’il « reste une marge de progression », et c’est dans cette perspective que l’Afcae cherche à accentuer son impact. Cela passe notamment par le dispositif Étudiants au cinéma, qui « peut s’appuyer sur les actions mises en place par le comité », explique David Obadia. De même, avec la création du label 15-25 de la réforme art et essai – qui constitue « un des enjeux cruciaux des années à venir » –, le délégué général souhaite que « le CNC puisse s’appuyer sur l’expertise du groupe ». La force de frappe du comité incarne toute l’ambition de la célébration des 70 ans de l’Afcae, qui a notamment pour mission de « dépoussiérer l’image de l’art et essai qui ne consiste pas qu’à montrer des films de trois heures en noir et blanc », explique David Obadia.

L’engagement du comité porte en lui-même les gages d’un perpétuel développement de ses actions, à travers l’accompagnement de plus d’un film par mois, quand le budget le permettra, voire la création de Rencontres nationales 15-25. Ce groupe a par-dessus tout permis de « rendre visible le travail de nombreux exploitants dans l’ombre, explique Célia Olivié, de former un réseau et donc d’unir ses forces ».

Les coups de cœur du comité 15-25 en 2025
Janvier : Mémoires d’un escargot d’Adam Elliot (Wild Bunch)
Février : La Pampa d’Antoine Chevrollier (Tandem)
Mars : Black Box de Shiori Itō (Art House)
Avril : Cassandre d’Hélène Merlin (Zinc.)
Mai : Little Jaffna de Lawrence Valin (Zinc.)
Juin : Kneecap de Rich Peppiatt (Wayna Pitch)
Juillet : Didi de Sean Wang (Condor)

Article publié dans le Boxoffice Pro n°492 du 11 mai 2025

Une partie du comité 15-25

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