Distribution : la vision Contre-jour

Deux des trois cofondateurs, Lilou Parente (au centre) et Yves Khachan (à gauche), aux Rencontres nationales art et essai répertoire à Agen, en compagnie de Robin William (Sceni Qua Non, Nevers) qui a signé “le mot des exploitant·es” consacré à Ucho, labellisé “perle rare” parmi les soutiens Afcae. © A. Algan

Deux semaines après avoir lancé sa réédition d’Ucho en salles, avec le label “perle rare” de l’Afcae, la toute nouvelle société de distribution a présenté un second titre de son line-up aux Rencontres Répertoire à Agen. 

« Dès le départ, avec son expérience chez APC Kids puis chez Panoceanic, Aurélien était porté vers la distribution. Lilou était pour sa part déjà très investie dans la revue Contre-plongée – qui nous inspirera d’ailleurs le nom Contre-jour – et ses différents ciné-clubs », explique Yves Khachan, en relatant sa rencontre avec ses futurs associés, Lilou Parente et Aurélien Dupard. Ils sont alors stagiaires, et lui en poste à la Filmothèque et sa structure de distribution affiliée, Ciné Sorbonne. Un établissement phare du Quartier latin parisien et du cinéma de patrimoine, au sein duquel les trois jeunes cinéphiles voient comment « des perles rares non identifiées peuvent, avec un travail de médiation soutenu, avoir le même impact que de grands classiques. Et si ça marche à Paris, pourquoi cela ne marcherait-il pas ailleurs ? » 

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C’est donc avec Ucho du Tchèque Karel Kachyňa que Contre-jour a fait ses débuts. Ressorti le 12 mars dernier – après une première diffusion en 1991 dans les salles françaises, et surtout une interdiction qui aura duré 20 ans dans son pays d’origine –, « le film et ses thématiques de surveillance et d’ingérence ont gagné une autre portée politique dans le climat international actuel », note Yves Khachan. Le jeune distributeur et ses collaborateurs ont déniché Ucho dans les archives cinématographiques de la République tchèque, mais savent tout ce qu’ils doivent aux distributeurs spécialisés établis. « Ce sont Malavida, Carlotta, ou encore, de manière plus internationale, des structures comme The Criterion Collection qui nous ont fait découvrir ce cinéma. Ils sortent des merveilles, mais ne peuvent pas toutes les sortir ! Face à cette immense cinématographie, nous nous sommes dit que nous avions notre rôle à jouer, pour compléter le paysage. D’autant plus que nos films vivront toujours, au sein de cycles et programmations spéciales, avec ceux des autres distributeurs. »

Ucho © Contre-jour

Aux côtés d’un total de cinq films patrimoniaux tchécoslovaques – dont Quelque chose d’autre de Věra Chytilová présenté à Agen –, le catalogue Contre-jour proposera aussi des œuvres contemporaines, comme le documentaire My Stolen Planet de Farahnaz Sharifi, prévu pour le 25 juin. Un documentaire qui faisait partie de la sélection avant-premières de Best of Docs, et pour lequel l’équipe de Contre-jour a eu « un énorme coup de cœur » dès la première – et unique – présentation au festival de Berlin 2024 de ce « journal de bord d’une femme iranienne née l’année de la révolution ».  

Plein feux sur la médiation

Qu’il s’agisse de ses titres patrimoine ou contemporains, la jeune société de distribution a fixé sa première priorité : le travail d’accompagnement. Quitte à limiter au maximum ses frais de structure, « pour consacrer le plus de ressources possible aux déplacements des spécialistes – en France mais aussi en Belgique, au Luxembourg… – et à l’impression de leurs travaux. Bien entendu, il y a tout notre travail sur l’affiche, la bande-annonce, mais qui ne suffit pas à faire venir le public », note Yves Khachan. Le succès des séances accompagnées d’Ucho sur sa première semaine, « alors que le film était sorti de nulle part », ont, de fait, conforté le distributeur dans la priorisation de la médiation, et son engagement à prendre en charge le déplacement, l’hébergement, mais aussi le défraiement des intervenants accompagnant chacun des films du line-up. 

My Stolen Planet © Contre-jour

Pour aller encore plus loin dans « l’étincelle créée entre le film et les spectateurs dont parle Stéphane Goudet [du Méliès de Montreuil, ndlr.] », Yves Khachan et ses acolytes envisagent, à terme, de mettre en place un site, « peut-être même du print », ouvert aux collaborations de tous les spectateurs. « Notre boulot de distributeur, c’est aussi de redonner de la légitimité au public ; bien plus que des chiffres et des entrées, les spectateurs sont des gens qui interagissent avec nous. » 

Après Ucho, « sorti très rapidement », et My Stolen Planet déjà daté, les prochains titres Contre-jour devraient être calés à partir de l’automne prochain, à un rythme bimestriel… en attendant la suite des acquisitions, « dont un magnifique classique de Taïwan, et un très beau film américain récent ».

Article paru dans le Boxoffice Pro n°489 du 2 avril 2025.

Line-up 
25/06 My Stolen Planet de Farahnaz Sharifi, Allemagne/Iran (2024)
à dater : 
Personne ne rira de Hynek Bočan, Tchécoslovaquie (1965)
Trois films de Věra Chytilová, Tchécoslovaquie : Quelque chose d’autre (1963), Le Plafond (1961) et Un sac de puces (1962)
Arnon de Sorayos Prapapan, Thaïlande (2022)
Ohong Village de Lungyin Lim, Taïwan (2019)

Deux des trois cofondateurs, Lilou Parente (au centre) et Yves Khachan (à gauche), aux Rencontres nationales art et essai répertoire à Agen, en compagnie de Robin William (Sceni Qua Non, Nevers) qui a signé “le mot des exploitant·es” consacré à Ucho, labellisé “perle rare” parmi les soutiens Afcae. © A. Algan

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