Démission de l’équipe des Cahiers du cinéma

©Les Cahiers du cinéma

Moins de trois semaines après l’annonce du rachat de la revue cinéphile de référence par un collectif de 19 actionnaires, les journalistes salariés de la rédaction annoncent quitter les Cahiers en utilisant leur clause de cession.

Soulignant la présence de huit producteurs dans le nouvel actionnariat, la rédaction relève « un problème de conflit d’intérêts immédiat dans une revue critique. Quels que soient les articles publiés sur les films de ces producteurs, ils seraient suspects de complaisance. »

Les démissionnaires estiment que la charte d’indépendance annoncée par les nouveaux acquisiteurs a déjà été contredite par les « annonces brutales » dans la presse sur le recentrage de la revue sur le cinéma français. La nomination au poste de directrice générale de Julie Lethiphu, déléguée générale de la Société des réalisateurs de films, ajoute à cette crainte « d’une influence du milieu du cinéma français ».

Ce serait dénaturer les Cahiers que d’en faire une vitrine clinquante ou une plateforme de promotion du cinéma d’auteur français.

Rédaction des Cahiers du Cinéma

Concernant le tournant « convivial » et « chic » que les nouveaux propriétaires veulent donner à la publication, la rédaction estime que « Les Cahiers du cinéma n’ont jamais été ni l’un ni l’autre, contrairement à ce que prétendent les actionnaires. Les Cahiers ont toujours été une revue critique engagée, prenant des positions claires. (…) Ce serait dénaturer les Cahiers que d’en faire une vitrine clinquante ou une plateforme de promotion du cinéma d’auteur français. »

L’article « Une certaine tendance du cinéma français » signée François Truffaut en 1954, fustigeant la bourgeoisie d’une partie du cinéma français, reste encore aujourd’hui la plus célèbre de la revue.

Notant que le nouvel actionnariat se compose également d’hommes d’affaires « proches du pouvoir » dont les intérêts interrogent, la rédaction démissionnaire rappelle que « les Cahiers du cinéma ont pris parti contre le traitement médiatique des gilets jaunes, contre les réformes touchant l’université (Parcoursup) et la culture (le pass Culture) et mis en question à son arrivée la légitimité du ministre de la Culture, qui s’est d’ailleurs félicité publiquement du rachat de cette entreprise privée. »

« Enfin, à l’heure où toute la presse a été rachetée par les grands des télécoms, et les patrons de Meetic, de Free, de BFM jouent aux business angels, nous refusons cette concentration dans les mains des mêmes de titres jadis libres », conclut le communiqué de l’ex-rédaction des Cahiers

Pour rappel, la Société Les Amis des Cahiers est composée de Toufik Ayadi (producteur, SRAB Films), la holding Banijay, Christophe Barral (producteur, SRAB Films), Angélique Bérès (avocate, cabinet Berès), Xavier de Boissieu (dirigeant Blockchain Hub), Pascal Breton (producteur), Pascal Caucheteux (producteur, Why Not Productions), Grégoire Chertok (banquier), Reginald de Guillebon (holding Hildegarde), Frédéric Jousset (entrepreneur, Webhelp), Frédéric Jouve (producteur, Les Films Velvet), Éric Lenoir (entrepreneur, Seri Mobiliers Urbains), Xavier Niel (entrepreneur, Free, Mediawan), Corentin Petit (entrepreneur, Sézane), Marc du Pontavice (producteur, Xilam), Hugo Rubini (producteur, Thornhill Films), Marc Simoncini (entrepreneur, Meetic), Jacques Veyrat (entrepreneur, Impala) et Alain Weill (entrepreneur, Altice, BFM).

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