Avant les traditionnelles réunions par commissions de branche qui ont lieu demain à Deauville, les présidents respectifs font le point sur la reprise.
1 – Quel état des lieux de votre branche dressez-vous depuis la réouverture ?
Olivier Aubry (petite exploitation) : La situation est catastrophique. Nous avons fermé dans l’urgence et rouvert dans l’urgence, il n’y a pas eu de relance à cause de la pénurie de films. Les dernières mesures sanitaires ont aussi découragé les spectateurs. Notre trésorerie a fondu comme neige au soleil et l’endettement des salles qui ont contracté un PGE, qui n’est pas une aide mais un prêt, s’est creusé. Les seules aides concernent le chômage partiel et l’exonération de la TSA. Pour les exploitants qui viennent d’ouvrir un cinéma ou qui viennent d’investir, c’est encore pire. Nous savons aussi que les résultats du mois de septembre sont catastrophiques : nous faisons des journées à 100 euros de recettes. Nous avons aussi rencontré de grosses difficultés avec les distributeurs qui ont des exigences de programmation que nous ne pouvons tenir. Pourtant, en restant ouverts cet été, nous avons joué le jeu et n’avons pas baissé les bras !
Aurélie Delage et Jean-Philippe Hochwelker (moyenne exploitation) : Notre branche, comme toute notre filière, est en grande souffrance depuis la réouverture le 22 juin. Nous avons ouvert avec l’espoir de retrouver rapidement nos spectateurs, en leur proposant une offre que nous pensions alors capable de les faire revenir. La succession de déprogrammations ou reports nous a très vite fait perdre nos espoirs. Certaines salles ont préféré fermer à nouveau leurs portes. L’évolution des mesures sanitaires a aussi pu avoir un effet négatif sur nos spectateurs. À la fin de l’été, le bilan est terrible, tant sur le plan financier que moral.
Line Davoine (grande exploitation) : Fin août, la baisse de fréquentation de la grande exploitation est supérieure à celle de la moyenne nationale : -66 % depuis le début de l’année contre -64 %. La tendance n’a pas été modifiée depuis la réouverture. Les multiplexes, notamment ceux situés en périphérie, dépendent fortement des blockbusters et ont passé un été très difficile, avec une baisse de fréquentation pouvant aller jusqu’à 75 % sur juillet/août. Certains établissements de la branche, notamment dans les centres commerciaux, sont en outre confrontés au problème des loyers qui constituent une charge insupportable. La réduction du nombre de films distribués affecte tous les cinémas, mais encore plus ceux qui comptent un grand nombre de salles, l’offre ne leur permettant pas un renouvellement suffisant de leur programmation. Enfin, dans cette branche comme dans les autres, les cinémas récemment ouverts n’ont pas eu le temps de s’installer auprès de leur public, alors que l’exploitant doit faire face à des remboursements élevés. La grande exploitation est en difficulté à l’instar de tout le secteur. Cette crise inédite est universelle, différente des précédentes, et appelle des réponses non dogmatiques.
2 – Quelle est LA mesure phare que vous attendez de la part des pouvoirs publics pour votre branche ?
Petite exploitation : Le plan d’urgence qu’il faut mettre en action le plus tôt possible ! Ensuite le plan de relance, qui ne pourra se faire que sur deux ou trois ans. Ce que nous demandons en priorité est de pouvoir rembourser les PGE non pas sur un mais sur dix ans. Sinon, nous n’aurons pas de liquidités pour faire face aux dépenses imprévues, comme le remplacement d’un projecteur.
Moyenne exploitation : Nous attendons vraiment un soutien financier pour aider les salles à surmonter cette période difficile, compenser la perte d’entrées et éviter la faillite de certains établissements. Cet engagement doit être fort et rapide, peu importe la taille de nos exploitations ! La notion de branche ou de type d’établissement importe peu : nous sommes tous des acteurs de la culture sur le territoire et sommes tous en danger. Enfin, nous souhaitons que ces mesures soient équitables et accessibles, avec des formalités réduites et sans contreparties démesurées.
Grande exploitation : Il n’y a pas UNE mesure attendue par la grande exploitation. La complexité de la situation est telle qu’elle nécessite un ensemble d’aides des pouvoirs publics pour assurer la pérennité des établissements et qui ne reposent pas sur l’exclusion de certains au prétexte de leur taille. Les pertes engendrées par la crise actuelle sont proportionnelles à la taille des cinémas, les plus gros ne sont pas moins impactés que les plus petits. Nous attendons donc principalement le maintien du dispositif d’activité partielle au-delà de 2020, avec un taux de prise en charge à 100 % et l’accès aux aides issues du plan de relance de l’économie, dans les mêmes proportions que l’ensemble des cinémas français, sans discrimination. Les cinémas de la branche connaissent, comme d’autres, des tensions de trésorerie et doivent accéder aux mêmes dispositifs. En outre, ces aides ne doivent pas être liées à des contreparties sans rapport avec la crise actuelle.
3 – Quel est LE chantier que vous avez à mener dans votre branche ?
Petite exploitation : Les dispositifs scolaires ne doivent pas être mis de côté : c’est très important pour la petite exploitation et pour sensibiliser nos jeunes spectateurs. Mais toutes les structures sont touchées par la crise et nous voulons avoir un discours uni, sans diviser les branches. Ce congrès est un congrès de crise : nous voulons un congrès avec une ministre et un CNC forts. Quand je dis fort, nous n’attendons pas des mesurettes !
Moyenne exploitation : Notre survie !
Grande exploitation : S’il n’existe qu’UN chantier pour notre branche à l’heure de cette crise économique et sanitaire inédite, c’est de mettre fin aux clichés, à la stigmatisation. Chacun, quels que soient sa taille ou son statut, fait face à des enjeux économiques qui lui sont propres, mais ceux des uns ne sont pas moindres que ceux des autres. Cessons de croire que le pré du voisin est plus vert et que la taille d’une entreprise est une assurance tous risques.
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