Le poste Climatisation Ventilation Chauffage (CVC) représente plus des deux tiers des dépenses énergétiques d’un cinéma. On sait aussi que les fluides frigorigènes utilisés en climatisation ont un impact important sur l’effet de serre. Des points qui sont donc essentiels pour les exploitants, dans le cadre d’une installation ou d’une rénovation, en fonction des évolutions de la réglementation. En attendant Deauville, éclairage en compagnie de deux fabricants, qui sont intervenus à la journée organisée par la CST en mars dernier.
Deux postes de consommation d’énergie prédominent dans les cinémas : le système CVC et la projection. D’après l’étude Eneor pour le CNC publiée en 2022, à partir d’un panel de 14 établissements de toutes tailles, le CVC représente à lui seul 68,8 % des dépenses énergétiques d’un cinéma, contre 15,9 % pour les équipements de projection.
Actuellement, trois systèmes sont principalement utilisés dans les cinémas : les pompes à chaleur (PAC) air/air, qui permettent à la fois le traitement thermique et le renouvellement de l’air ; les “split system”, dissociés en deux blocs (intérieur et extérieur, comme chez les particuliers mais avec plus de puissance), qui nécessitent en plus un système d’air ; et les centrales de traitement d’air/eau, raccordées à un groupe de production d’eau chaude/froide et qui fonctionnent parfois sur le réseau urbain.
« L’avantage du “rooftop” 4 volets est d’être une machine qui fait tout, autonome, et qui apporte de la souplesse, alors qu’un split system doit être complété par une centrale de traitement d’air et un régime d’eau, », explique Fabien Clavier, responsable du marché Cinéma chez ETT*. Si les choix se font bien sûr selon différents critères, dont la taille du cinéma et son emplacement, « le traitement de l’air est le 3e poste d’investissement pour un cinéma, après les équipements de projection et l’enveloppe bâtiment, avec un retour sur investissements sur trois ans », précise Makara Phak, responsable des ventes chez Thereco*.
Économiser au quotidien
Quel que soit le système, il est donc essentiel d’en tirer le meilleur rendement possible et d’optimiser sa consommation. D’abord en appliquant les recommandations de la charte de la FNCF : par exemple baisser le chauffage de 1°C permet d’économiser 7 % d’énergie. Des gestes simples et qui peuvent paraître évidents, mais qui ont eu des résultats spectaculaires, contribuant à la réduction de 20 % de la consommation des cinémas.
Températures recommandées : en hiver 19-21° C / en été 24° C (26° si 35°C à l’extérieur)
Relance de la machine 30 min max avant le début de la séance
(ou pendant les heures creuses du tarif électrique, et jouer sur l’inertie)
Baisser le pourcentage d’air neuf quand la salle est inoccupée
Il faut aussi, comme le prévoit la réglementation, renouveler l’air dans les salles en l’adaptant au taux d’occupation. Avec une pompe à chaleur, « on va ouvrir davantage l’air neuf et récupérer plus d’énergie sur l’air rejeté en fonction du niveau de pollution de la salle », rappelle Fabien Clavier. Pour ça, Makara Phak souligne l’importance d’avoir « une sonde d’ambiance bien entretenue et étalonnée, et de superviser l’ensemble du système pour faire du délestage en fonction des coûts énergétiques ».
Il existe deux types de sonde. « La sonde CO₂ ne gère que le CO₂ : que la salle soit vide ou pleine, si le seuil réglementaire de 800 PPM (particules par milliers) n’est pas dépassé, l’arrivée d’air neuf ne se déclenche pas. La sonde COV (corps organiques volatils) mesure tout ce qui est polluant gazeux, dont les odeurs, et, selon les pourcentages, va ouvrir plus rapidement le volet du renouvellement de l’air. C’est moins économique, mais offre un meilleur confort aux spectateurs. »
Mieux réguler en fonction du remplissage
Malgré ces sondes, les exploitants expriment leur difficulté à adapter automatiquement la consommation au nombre de spectateurs. Selon Marie-Christine Désandré, « actuellement, aucun système ne répond parfaitement à nos besoins : il faudrait faire communiquer nos équipements de CVC directement avec nos systèmes de caisse, comme avec nos TMS, pour réguler automatiquement en fonction du nombre de billets vendus ».
Cela ne règlerait pas tout pour le représentant de ETT, « car avec trois personnes dans la salle, on n’a pas forcément besoin d’air neuf : c’est en fonction de la pollution que la sonde fait varier le débit d’air, et en fonction de la température détectée qu’elle adapte ou arrête automatiquement le chauffage ou la clim ».
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Son confrère de Thereco ajoute qu’il faut en effet prendre en compte l’inertie, qui dépend de l’isolation du bâti et du système de traitement de l’air, et pas seulement du nombre de personnes à un instant T. « On se concentre davantage sur le marche/arrêt, pour la première et dernière séance de la journée, ou quand une salle est vide. Mais là encore, il n’est pas forcément pertinent de couper le chauffage dès qu’une séance est vide, si on doit le remettre 1h30 après. » Les deux fournisseurs conçoivent toutefois l’intérêt d’être relié au logiciel de caisse pour avoir une valeur réelle.
« C’est un sujet sur lequel nous travaillons, indique Fabien Clavier, mais complexe, car chaque fournisseur de billetterie utilise un langage différent ; nous devons donc développer un “décodeur” pour chaque logiciel. » Une avancée qui pourrait faciliter le travail des équipes, dont Makara Phak reconnaît les difficultés : « avant, il y avait un opérateur pour chaque poste ; aujourd’hui, dans un cinéma, le même agent doit gérer tout à la fois : la confiserie, le projecteur… et le chauffage. »
S’adapter à la réglementation
Cette vigilance quotidienne devrait être facilitée par l’obligation réglementaire de faire évoluer ses équipements : le décret tertiaire, qui vise à réduire la consommation d’énergie du secteur de 60 % entre 2010 et 2050, implique en effet de s’équiper d’un système de GTB (gestion technique des bâtiments) pour piloter ses équipements et va progressivement s’appliquer aussi aux bâtiments anciens.
En outre, les systèmes de climatisation, dont les pompes à chaleur, utilisent des fluides frigorigènes, à l’origine de certains gaz à effet de serre, sur lesquels la réglementation devient plus rigoureuse. S’il est difficile de chiffrer ce que représentent les fuites de ces fluides dans l’impact des cinémas, on sait que, de façon générale, un split system, avec beaucoup de tuyauteries de l’extérieur à l’intérieur, en engendre 8 à 10 % par an. Et il faut aussi tenir compte des mono-split installés en cabine, indépendamment du CVC des salles et du hall.
Le représentant d’ETT souligne, en revanche, que « sur des machines mono bloc hermétiquement fermées dès l’usine, comme celles que nous proposons, le taux de fuite n’est que de 1 % ». Fuite ou pas, toute machine thermodynamique (groupe frigorifique réversible ou non, réfrigérateur domestique…) doit être en conformité avec la réglementation européenne, soit la REACH, traitant de toutes les substances chimiques utilisées dans l’industrie, et la F-GAS, dont l’objectif est de réduire de 80 % la tonne équivalente (Teq) de CO2 en émission de gaz, entre 2015 et 2030, pour arriver à 0 émission en 2050. Elle va donc imposer une suppression progressive de certains fluides frigorigènes.
Rénover son système de CVC
Autant de raisons qui impliquent, pour les exploitants, d’avoir un matériel conforme. « Si l’on est déjà équipé en pompe à chaleur, il faut optimiser les équipements et remplacer les machines vétustes. Si l’on est équipé avec un autre système de CVC, le service de maintenance, un bureau d’études ou un fabricant fait une proposition au plus proche des besoins, y compris sur le bâti, qui est aussi important à traiter que le système CVC lui-même », résume Makara Phak.
Concrètement, le spécialiste explique qu’il y a trois postes principaux de consommation dans une pompe à chaleur : « la ventilation, les compresseurs et les batteries électriques, que l’on peut améliorer sur de l’existant. Avec les nouvelles générations de machines, on peut facilement diminuer de 27 % la consommation électrique. »
« Sous réserve de faisabilité technique, poursuit Makara Phak, on peut aujourd’hui changer la technologie de ventilation, notamment les transmissions poly-courroie, très énergivores et nécessitant de la maintenance, qui peuvent être remplacées par des ventilateurs à entraînement direct. Ces derniers ne demandent quasiment pas d’entretien et représentent un gain de 40 % environ », détaille le représentant de Thereco. On peut aussi diminuer les batteries électriques, qui servent à compenser les séquences de dégivrage en hiver ; mieux réguler [comme expliqué précédemment] ; et installer des compresseurs de nouvelle génération qui utilisent des fluides frigorigènes plus écologiques. »
Sur ce point, il est néanmoins compliqué d’upgrader des machines, qui pour beaucoup utilisent encore du R410A, avec du R290. « C’est possible mais difficile, répond Fabien Clavier. Il existe actuellement trois types de fluides frigorigènes : basse pression, haute pression et faiblement inflammables. Or en intérieur, il est interdit de réutiliser la tuyauterie et les batteries du R410, de haute pression et classé A1, soit non inflammable, pour un fluide inflammable comme le R290, classé A3. On peut toutefois faire du gros rétrofit : garder la carrosserie, souvent très solide, mais cloisonner toute la partie électrique et changer tuyaux et batteries, ce qui va dans le sens de l’écologie. »
Jusqu’en 2050, on peut continuer à utiliser, sur des machines existantes, du R32, dont l’empreinte environnementale est déjà nettement inférieure à celle du R410A [voir-ci contre]. Là aussi, ajoute Makara Phak, « la réglementation impose des dispositifs de sécurité si on est en local technique, aussi bien en neuf qu’en rénovation. C’est donc difficile de remplacer par du R32 dans des bâtiments existants, notamment en centre-ville. Mais dans ce cas, d’autres fluides permettent de mettre l’équipement à jour. »
Aides au financement
En fonction de la surface traitée, de la zone géographique et de la performance des machines, les exploitants peuvent bénéficier d’aides importantes pour la rénovation énergétique. L’aide financière dite Certificat d’économie d’énergie (CEE), proposée par les fournisseurs d’énergie, peut être perçue pour le remplacement de machines de CVC, mais aussi sur des postes tels que l’isolation ou l’installation d’énergies renouvelables.
Les pompes à chaleur de Thereco et de ETT sont éligibles aux aides CEE dans le cadre d’une rénovation. « Il faut toutefois que la machine soit thermoréversible et placée en toiture, et avoir des rendements saisonniers de 130 % en chauffage des locaux et de 150 % pour leur refroidissement, ce qui n’est pas atteignable avec une PAC posée au sol, précise Fabien Clavier. Le calcul tient compte aussi de la zone géographique, des surfaces et du secteur d’activité. La puissance de la PAC n’intervient pas dans le calcul de l’aide. »
On voit bien le nombre de critères à prendre en compte, de textes à connaître… et la complexité des sujets à traiter par les exploitants, bien au-delà du seul poste CVC. « C’est d’autant plus compliqué que les valeurs de référence du décret tertiaire pour les cinémas sont encore floues, le législateur ne donnant pas assez de directives. Nous sommes dans un environnement normatif très lourd, en plus de tout ce que les cinémas ont à gérer », observe Makara Phak. D’où l’importance d’être conseillé, notamment par tous les installateurs présents au Congrès, tenus de suivre l’évolution de la réglementation et de proposer aujourd’hui des systèmes efficients, respectueux de l’environnement.
*ETT et Thereco, sont tous deux fabricants de solutions de CVC à haute efficacité énergétique, notamment pour les cinémas.
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Dossier complet à retrouver dans le Boxoffice Pro n°476 du 23 septembre 2024
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