Disparition de Tony Molière, exploitant et ancien producteur

Nous apprenons ce matin avec une grande tristesse le décès de Tony Molière à l’âge de 87 ans. Connu de toute la profession, non seulement pour sa gentillesse mais aussi pour son illustre activité dans la production, la distribution et l’exploitation françaises. Il exerçait toujours son activité d’exploitant en famille au Ciné Presqu’île de Guérande et au Gulf Stream de la Baule-Escoublac.

Jamais avare d’histoires extraordinaires, Tony Molière contait volontiers ses aventures au gré des films qu’il avait accompagnés. Il était admiré par la profession pour avoir été un grand producteur et distributeur des films d’Andrzej Wajda, Carlos Saura ou encore Wim Wenders. 

Aux dernières rencontres de Bretagne de la Baule en février 2020, et à l’occasion de la 40e année de sa Palme d’or pour L’Homme de fer d’Andrzej Wajda en 1981, la Chambre syndicale des cinémas de Bretagne et de l’Ouest et la FNCF lui avaient rendu hommage. 

Le père de Tony Molière était coiffeur pour dames à Montmartre et poète le soir. Alors poulbot de la butte, le petit Tony commence dans l’exploitation au contrôle du cinéma Scarlett par l’intermédiaire d’une cliente du salon, jusqu’à devenir projectionniste. Après avoir accompagné les films et les équipes dans les cinémas de France afin d’en assurer la promotion, Tony Molière devient producteur.

Devenu un habitué de la Bretagne où ses beaux-parents possédaient une maison, il saisit l’occasion de reprendre le Trianon de Saint-Nazaire à la Soredic et transforme le mono-écran en un site de 5 salles et 1 100 fauteuils. À la surprise de tous, il finit par réaliser 300 000 entrées. Il reprend Le Gulf stream de La Baule en 1983 et le Ciné Presqu’île de Guérande. Pendant 30 ans, Tony Molière partage sa semaine entre l’exploitation en Bretagne et la production/distribution à Paris. 

Le festival de La Baule a tenu à rendre hommage à cette « véritable figure » du cinéma français : « De sa carrière, Tony Molière aurait pu en faire un film ». Pour le maire de la Ville, Franck Louvrier, « c’est une figure bauloise qui vient de s’éteindre, un incontournable du cinéma français. Connu pour sa gentillesse, ce passionné aura consacré sa vie au 7e art. Il avait la narration facile et vous faisait voyager dans ce monde de l’image et du son avec délectation » .

Vice-président du Syndicat français des théâtres cinématographiques, Tony Molière avait confié la gestion du Gulf Stream à son fils Manuel et à sa belle-fille Sonia. Nos pensées les accompagnent ainsi qu’à sa femme Solange.

En 1981, L’Homme de fer d’Andrzej Wajda produit et distribué par Tony Molière remporte la Palme d’or. Cette histoire, l’homme de cinéma la racontait avec beaucoup de joie et de fierté. « Je suis allé entre les chars à Gdansk dans les chantiers, avec Lech Walesa. À Varsovie, on ne pouvait plus me rapatrier. C’était apocalyptique. » Le film est sélectionné à Cannes et Gilles Jacob lui fait savoir que la copie n’est pas arrivée. « Je suis retourné à Varsovie où l’État bloquait l’avancement du film. Mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est que nous avions œuvré avec la Solidarność pour le finaliser et sous-titrer. Je suis reparti avec les bobines sous le bras… non sans mal, mais avec l’aide notamment de François Mitterrand, alors président. Arrivés à la projection officielle, nous avons dû remonter les bobines avec Andrzej dans la cabine de l’ancien Grand Palais en interrompant la projection car elles étaient collées dans le désordre ! Cela ne nous a pas empêchés de repartir avec la Palme. »