Titanic en 1998, retour sur une sortie événement

Titanic ©Twentieth Century Fox France

Alors qu’il célèbre son 25e anniversaire avec une version restaurée dans les salles, le film reste encore aujourd’hui le plus gros succès en nombre d’entrées dans les cinémas français. Comment une telle performance a-t-elle été vécue ? Petite plongée historique dans les coulisses de cette sortie-événement.

Automne 1997. Depuis plusieurs mois, Hollywood frétille au sujet du nouveau projet de James Cameron, qui a démarré la décennie par deux succès commerciaux (Terminator 2 : Le Jugement dernier et True Lies). En parallèle d’Abyss, le cinéaste canadien s’est fortement intéressé au destin tragique du Titanic, autour duquel il est parvenu à ficeler un scénario. Face à un budget estimé de 110 millions de dollars et afin de minimiser les risques, la 20th Century Fox a décidé de s’associer avec Paramount Pictures : la première pilotera la distribution internationale tandis que la seconde sera en charge de l’Amérique du Nord. Car le tournage s’est révélé effectivement titanesque, avec la reproduction quasiment en taille réelle du paquebot, la construction d’un immense bassin et les nombreuses plongées pour étudier l’épave, qui, conjuguées à d’autres inattendus, ont abouti à des dépassements budgétaires (James Cameron fera une croix partielle sur son salaire) et de calendrier. « Nous entendions parler d’un film hors de contrôle, aux dépenses faramineuses et qui soulevait de grandes interrogations sur sa capacité à être rentable », se souvient Steve Rubin, alors à la tête d’UGC Fox Distribution (UFD), notamment chargé à l’époque de distribuer les films Fox en France.

Trois mois avant la sortie de Titanic, la direction française se retrouve à Londres pour découvrir le film. « Nous avons gardé les yeux rivés sur l’écran pendant toute la durée, soufflés par une proposition que nous n’avions plus l’habitude de voir. Nous étions alors conscients d’avoir entre les mains une œuvre promise à un grand succès. » La campagne marketing est alors lancée, essentiellement à travers de l’affichage – fleurissent sur les transports en commun et les panneaux les visages de Kate Winslet et Leonardo DiCaprio, alors loin de la notoriété qu’ils s’apprêtent à atteindre – et des spots radio, la France étant à l’époque l’un des rares territoires à interdire la publicité cinéma à la télévision. « L’idée était d’annoncer un film événement autour de cette légende qu’était le Titanic. Nous avons travaillé à remettre ce naufrage devenu mythe sur le devant de la scène, et, donc, faire preuve d’une certaine pédagogie vis-à-vis d’un public plus jeune », raconte Steve Rubin. 

C’est finalement doté d’un budget de 200 millions de dollars et frappé du sceau du film le plus cher de l’histoire que Titanic largue les amarres le 19 décembre 1997 aux États-Unis. En France, la sortie du 7 janvier 1998 est précédée d’une avant-première de gala au Paramount Opéra (futur Pathé Palace actuellement en travaux), où le film est projeté sur l’écran géant panoramique en Dolby stéréo digital, en présence de James Cameron. Dès le lendemain, le grand public découvre la nouvelle prouesse technique du cinéaste canadien : les séances sont pleines et permettent au film de boucler une première semaine à plus de 1,7 million d’entrées. « Nous avons bénéficié d’un passage de la bande annonce en salles assez exceptionnel », note l’ancien patron d’UFD, qui souligne aussi « un bouche-à-oreille incroyable et des spectateurs qui allaient voir le film plusieurs fois ».

Avant-première de Titanic au Paramount Opera le 6 janvier 1998 © Bertrand Rindoff Petroff / Bestimage

À l’instar de sa performance outre-Atlantique, Titanic a enchaîné les semaines avec une stabilité inédite, réalisant notamment une deuxième semaine supérieure à la première et dépassant le million de tickets pendant neuf semaines d’affilée (une prouesse uniquement rééditée par Intouchables depuis). « Cette longévité a été une vraie surprise, surtout que, comme aujourd’hui, il y avait déjà une vraie rotation des films en salles. Même si nous devions batailler les lundis matins pour garder la meilleure place dans la programmation, les exploitants sentaient aussi le vrai potentiel de Titanic », sourit Steve Rubin. Fin mars 1998, le film récolte pas moins de 11 statuettes à la 70e cérémonie des Oscars et la Fox et Paramount débloquent alors un budget pour une nouvelle campagne promotionnelle mondiale ; en France, où il est à l’affiche de plus de 700 cinémas, le film vient de dépasser les 15 millions d’entrées.

Les semaines défilent et Titanic continue de séduire les foules et de truster les hauteurs du box-office. À l’approche des vacances d’été, et après 23 semaines consécutives d’exploitation, le film devient le premier à atteindre la barre des 20 millions de spectateurs en France (depuis, seul Bienvenue chez les Ch’tis a réitéré cette performance en 2008). Près de dix mois après sa sortie, l’épopée fleuve de James Cameron termine sa première expédition en salles avec plus de 20,7 millions d’entrées. « C’est sans nul doute l’une des expériences les plus inoubliables de ma carrière de distributeur. Nous avons fêté ces résultats incroyables avec les exploitants lors du Congrès de la Fédération nationale des cinémas, organisé à la Baule. La France reste aujourd’hui le seul pays où Titanic détient toujours le record d’entrées. » Un exploit qui a continué de s’affirmer, avec une première ressortie du film en 2012, pour le centenaire du naufrage, qui a généré plus de 1,1 million d’entrées, puis cette deuxième , remasterisée en 4K et 3D, qui a attiré près de 400 000 spectateurs depuis le 8 février 2023, pour un total désormais de 22,2 millions de billets.

Au final, après avoir frôlé l’accident industriel, Titanic a amassé plus de 2,45 milliards de dollars de recettes à travers le monde. Par la suite, de Pirates des Caraïbes : La Fontaine de jouvence à Avengers (Age of Ultron, Infinity War, Endgame) ou Star Wars (Solo, L’Ascension de Skywalker), en passant bien entendu par les Avatar, nombreuses ont été les superproductions hollywoodiennes à dépasser allégrement la barre des 200 M$ de budget et à miser sur le retour sur investissement, pariant sur la valorisation à nulle autre pareille que constitue le grand écran… Du moins jusqu’à la crise du Covid. Mais ça, c’est une autre histoire.

Titanic ©Twentieth Century Fox France