Alors qu’elle fête sa dixième année d’activités, la société de production et de distribution s’inscrit désormais dans toute une « galaxie ». Violaine Barbaroux, directrice générale de The Jokers qu’elle a fondée en compagnie de Manuel Chiche, revient sur les mutations qui vont permettre à la structure de préserver son ADN d’origine, constitué entre autres d’un cinéma français atypique, comme la délirante comédie Zénithal qui sort aujourd’hui.
Article paru dans le Boxoffice Pro du 24 juillet 2024.
Depuis mai 2022, The Jokers a intégré Logical Pictures. Le groupe français – fondé en 2016 et présidé depuis par Frédéric Fiore – a déjà participé à la production de nombreux films aux ambitions internationales, parmi lesquelles figurent les récents Le Comte de Monte Cristo d’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, Emilia Perez de Jacques Audiard, Parthenope de Paolo Sorrentino et Limonov de Kirill Serebrennikov. « Manuel Chiche a rejoint le pôle production de Logical, dont font partie les deux filiales 100 % Jokers, Spade et The Jokers Lab*, aux côtés de cinq autres entités dédiées à la production de films, séries, documentaires, publicités, dont une dédiée aux contenus africains », explique Violaine Barbaroux. Cette dernière a, pour sa part, « pris le lead » du pôle distribution, composé bien évidemment de The Jokers, « et Pulsar, la boîte de ventes internationales montée, il y a cinq ans, par Gilles Sousa et Marie Garett, anciens de Bac », précise la directrice générale.
Maximiser les talents
Autant de forces vives combinées, dignes d’un authentique studio “verticalisé”, mais que la dirigeante préfère décrire comme « une galaxie » dans laquelle les équipes – celles de Pulsar ont, depuis deux mois, rejoint les locaux historiques de The Jokers – échangent sur les projets, de leur création à leur marketing, et où « les talents circulent ». C’est ainsi que les frères Boukherma, dont The Jokers a distribué les longs métrages Teddy (2020) et L’Année du requin (2022), ont réalisé une pub pour Skoda au sein de l’entité Love Boat, du pôle production de Logical. Mais la synergie au sein de la galaxie ne veut pas dire contraintes : « Certes j’ai un premier œil dessus, mais je ne suis pas obligée de distribuer les films produits ou vendus par mes collègues », explique Violaine Barbaroux. « On se propose, mais on ne s’impose rien. »
Les 1001 voies de la diffusion…
The Jokers poursuit donc sa voie indépendante et résolument diversifiée, à travers les quatres labels autour desquels s’articule la société depuis début 2022. Le label Entertainment est consacré à des films, une dizaine par an, destinés à une diffusion TV/SVOD. « Des films étrangers achetés finis, très genrés et identifiés, qui nous permettent de sécuriser les risques que nous prenons en salles. » Ces titres, avec lesquels The Jokers renforce son catalogue vidéo, peuvent aussi, « quand ils s’y prêtent ou qu’ils collent à une actualité, bénéficier d’une sortie salle événementielle, avec visa temporaire », comme ça a récemment été le cas de Concrete Utopia du Coréen Um Tae-hwa. Certains, particulièrement remarqués en festivals, ont même finalement intégré le line-up classique des Jokers.
Trois publications sont prévues en 2025 du côté du label Publishing, dédié à l’édition de livres sur le cinéma, « et dont Manuel Chiche continue de s’occuper ». Tout comme du label Classics, qui continue à creuser le sillon des « films de patrimoine porteurs, environ deux par an, toujours avec Manuel au sourcing », explique sa collaboratrice, en citant Les 7 Samouraïs d’Akira Kurosawa sorti le 3 juillet dernier, et 2046 de Wong Kar-wai, prévu pour le 18 décembre.
… et une seule voie royale
Mais c’est surtout à travers le label sobrement nommé Films que The Jokers continue de faire battre son « cœur du métier », à savoir la distribution en salles de films inédits. Le rythme actuel de 15 à 16 sorties annuelles est toutefois « trop intense » selon Violaine Barbaroux, qui souhaite le réduire à 10 à 12 titres par an, tout en renouant avec un line-up davantage composé de films étrangers, dans la veine de celui de 2019, l’année du plus gros succès de The Jokers en salles : Parasite de Bong-Joon-Ho et ses près de 2 millions d’entrées. Dans un contexte de crise sur le marché étranger, les acquisitions sont de plus en plus difficiles, « la hausse des prix s’étant cristallisée sur les territoires qui achètent encore, comme la France et l’Allemagne. Aujourd’hui, pour aller voir A24, il faut avoir un énorme portefeuille. » La dirigeante adopte donc d’autres stratégies, réduit le line up, « car acheter moins nous permet d’acheter à des prix plus élevés », et s’investit plus en amont, « notamment grâce aux synergies avec Logical ».
De fait, 100 % des récents inédits de The Jokers ont été acquis sur script, le line up de 2025 – « très français » – est bouclé, « et celui de 2026 quasi complet », annonce Violaine Barbaroux, en teasant notamment une dernière acquisition cannoise mystère. En attendant, après la délirante comédie sur les relations hommes/femmes Zénithal en salles aujourd’hui, The Jokers sortira Le Procès du chien de la comédienne désormais réalisatrice Laetitia Dosch le 11 septembre, puis l’animation Maya, donne-moi un titre de Michel Gondry le 2 octobre. Sont aussi prévus une rétrospective “Les oubliés d’Amérique” des trois premiers films de Sean Baker – Four Letter Words (2000), Take Out (2004) et Prince of Broadway (2008) – à partir du 23 octobre, La Mer au loin de Saïd Hamich le 4 décembre et la réédition de 2024 de Wong Kar-wai à partir du 18 décembre. De quoi compléter un line-up 2024 de films « qui sortent du rang, artistiquement exigeants et fédérateurs, et pour lesquelles la salle est le premier médium », conclut Violaine Barbaroux..
* Depuis 2020, Spade a développé des projets comme La Nuée de Just Philippot et Les Rascals de Jimmy Laporal-Tresor, tandis que The Jokers Lab se dédie à la production de films documentaires.
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