Dans notre nouvelle rubrique de l’été, nous vous proposons un tour d’horizon hebdomadaire de l’histoire et des singularités des cinémas mythiques de Paris. Cette semaine, rendez-vous au Mac Mahon.
Le Mac Mahon ouvre en 1938, à l’emplacement d’un ancien théâtre. C’est d’abord une salle de quartier assez anecdotique. Pendant l’occupation, le cinéma et son directeur Emile Villion refusent le joug allemand et décident de projeter des films américains interdits par les Nazis. Cette décision marque le début d’une longue tradition subversive, qui accompagnera le développement du Mac Mahon durant la seconde moitié du XXe siècle. Et pour cause : quelques années plus tard, dans les années 1950, se forme un groupe de jeunes cinéphiles nommé les Mac-Mahoniens. Tout commence en 1951, lorsque Pierre Rissient, avec de nombreux cinéphiles et intellectuels parmi lesquels Jacques Serguine, Bertrand Tavernier, Bernard Martinand, Alfred Eibel et Patrick Brion, met la main sur la programmation du cinéma, avec l’accord du dirigeant de l’époque, Émile Veillon.
Les Mac-Mahoniens s’imposent en grands défenseurs d’œuvres marginales, peu exposées et aux qualités esthétiques bien définies : la mise en scène doit primer sur le scénario. Pour ces raisons, ils privilégient certains réalisateurs méconnus au détriment des grosses têtes d’affiche de l’époque. Ils se font ainsi connaître pour leur fameux « carré magique » constitué de leurs quatre cinéastes fétiches, Fritz Lang, Otto Preminger, Raoul Walsh et Joseph Losey, tandis qu’ils laissent Hitchcock, alors au faîte de sa gloire, au second plan. Mais les Mac-Mahoniens ne se contentent pas de promouvoir les réalisateurs qu’ils jugent intéressants ; ils se démènent également pour en dénicher : Rissient multiplie les voyages de Los Angeles à Hong Kong à la recherche de nouveaux talents. Il trouvera notamment John Boorman, Jerry Schatzberg, Jane Campion, Abbas Kiarostami, John Ford et tant d’autres, qui lui doivent beaucoup en termes d’exposition.
Les Cahiers du Cinéma doivent aussi beaucoup aux Mac-Mahoniens. Nombre d’entre eux y écrivaient des critiques et leurs analyses pointues ont largement contribué à enrichir la revue.
Temps d’arrêt
Après cette période faste qui voit le cinéma et les Mac-Mahoniens rayonner dans le monde entier, le Mac Mahon entre dans une période beaucoup plus trouble. Victime de la concurrence des salles des Champs-Elysées, il menace de fermer. Finalement, il est repris en 1987 par Génériques, une agence de publicité spécialisée dans le cinéma, qui lui redonne une seconde jeunesse en rénovant la salle et réduisant sa capacité à 196 sièges, tout en conservant son style originel.
Cependant, le Mac-Mahon s’éloigne de sa vocation originelle et projette de moins en moins de long-métrages. À partir de cette date, les projections pour le public ont lieu uniquement du vendredi au lundi, les autres jours de la semaine étant consacrés à des projections privées ou à l’organisation de séminaires.
Enfin, le cinéma est racheté par le groupe Bolloré en 2010. Depuis, la programmation du Mac Mahon est spécialisée dans les rééditions : les succès qui ne passent plus en salles ainsi que de nombreux classiques sont projetés par le cinéma. La salle a ainsi récemment redonné vie aux premières versions de A Star Is Born. De plus, des rétrospectives sont fréquemment organisées, ainsi que des avant-premières, des rencontres et des débats ; des émissions de théâtre et de cinéma pour la télévision peuvent même prendre place dans l’enceinte du cinéma.
Mais le Mac Mahon est aussi (et surtout) un cinéma à part entière, avec ses particularités architecturales et esthétiques. Sa façade et sa caisse délicieusement surannées ont su conserver leur cachet à travers le temps. Aujourd’hui, la salle du Mac Mahon compte 150 places et reste un lieu prisé des cinéphiles : c’est l’occasion de découvrir et de redécouvrir des grands classiques du cinéma en plein cœur d’une salle chargée d’histoire.
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