Dans notre nouvelle rubrique de l’été, nous vous proposons un tour d’horizon hebdomadaire de l’histoire et des singularités des cinémas mythiques de Paris. Cette semaine, rendez-vous au Studio 28.
Le cinéma, comme son nom l’indique, est né en 1928. C’est Jean-Placide Mauclaire, journaliste reconnu dans le milieu du cinéma, qui inaugure le Studio 28 sur les hauteurs de la butte Montmartre, dans le 18e arrondissement de Paris. Très rapidement, la salle s’éloigne des standards traditionnels et affirme une identité bien singulière, en se présentant comme un cinéma d’avant-garde qui désire mettre en valeur des œuvres cinématographiques et artistiques triées sur le volet.
Un scandale éclate dès 1930, lorsque Mauclaire décide de projeter L’Âge d’or de Buñuel. Le film suscite une véritable controverse dans la salle lors de sa deuxième projection : des militants d’extrême droite perturbent la séance, qui prend fin dans les sifflets et les bagarres. Les toiles exposées de Salvador Dali, Max Ernst ou encore Yves Tanguy sont endommagées. Le film est finalement retiré. Incapable de rembourser aux spectateurs leurs places réservées pour les séances déjà programmées, le gérant se voit contraint de céder son cinéma.
La salle est rachetée dès 1932 par le publicitaire Edouard Gross, qui décide de projeter de grandes comédies américaines. Les films de Frank Capra ou des Marx Brothers connaissent alors un grand succès auprès du public.
Les frères Roulleau
En 1948, les frères Roulleau, père et oncle du propriétaire actuel, reprennent le cinéma. C’est l’avènement du véritable âge d’or du Studio 28. On y visionne Journal d’un curé de campagne de Bresson, La Symphonie des brigands de Friedrich Feher, Los Olvidados de Luis Buñuel. En outre, le cinéma devient un lieu de rencontres et d’animations culturelles, avec des expositions picturales, photographiques ou musicales. L’identité visuelle du lieu est retravaillée : à la demande de Jean Cocteau, le Studio 28 orne les murs sa salle de grands lustres colorés, toujours en place aujourd’hui.
Depuis 1950, le Studio 28 dispose de deux parrains : Abel Gance et Jean Cocteau, ce dernier ayant déclaré à propos de la salle : « La salle des chefs-d’œuvre, le chef-d’œuvre des salles », que l’on retrouve aujourd’hui derrière le guichet à l’entrée du cinéma. Dans le hall, l’ambiance est d’ailleurs singulière. Aucun vendeur de pop-corn ou de soda n’est présent, mais un jardin intérieur permet de savourer un café dans une atmosphère unique qui donne au lieu un charme particulier.
Le Studio 28 a su être à l’avant-garde sur tous les fronts. En 1959, le cinéma est le premier de France à instaurer un système de carte de fidélité. Il s’agit également de la première salle publique parisienne à s’équiper d’un projecteur cinéma numérique 4K en 2011.
Alain Roulleau, le gérant actuel, possède son propre appartement juste au-dessus du Studio 28. Il a hérité de cette salle en 1996, après que son père lui a passé le relais. Aujourd’hui, le cinéma propose 8 à 13 films par semaine, toujours sélectionnés avec soin. Une joie pour les riverains qui participent activement à la vie de ce cinéma de quartier, plus en vie que jamais à Montmartre.
Partager cet article