Le Régent de Bastia fête son centenaire

D’une salle unique à son origine aux trois actuelles, le cinéma corse a su s’adapter aux mutations de l’exploitation pour s’inscrire dans la durée et rester, aujourd’hui avec Le Studio, l’un des deux derniers établissements de Bastia. 

Le 9 décembre 1922, dans l’une des artères commerçantes principales de la ville, est inauguré Le Régent-Cinéma, projet né de l’association des familles Moretti, Amoni et Colombani. S’il vient s’insérer dans un paysage qui compte alors deux autres cinémas en activité, dont le théâtre Femina, le Régent est le premier dont la construction a été motivée par l’envie d’y projeter principalement des films. Arborant une façade ocre toujours d’actualité 100 ans plus tard, le bâtiment n’abrite alors qu’une salle unique de 880 fauteuils, répartis entre un orchestre et un balcon, qui affiche complet lors de son ouverture pour la projection de Séraphin ou les jambes nues, moyen métrage de Louis Feuillade. La configuration de cette salle, dotée d’une scène et d’une fosse, lui permet également d’accueillir différentes représentations et spectacles, érigeant alors Le Régent comme un incontournable de la ville.

Les familles Moretti, Amoni et Colombani devant Le Régent-Cinéma ©DR

L’avènement du parlant fait basculer l’établissement dans une autre dimension : le 23 février 1931, Le Régent est le premier site de Corse à se lancer dans l’aventure, via l’installation sonore “Radio-Cinéma” inauguré avec la projection des Amours de minuit de Marc Allégret et Augusto Genina.

En 1966, le cinéma est repris par la famille Reboulleau et, après une fermeture pour rénovation, rouvre au public en mai 1967 avec Les Professionnels de Richard Brooks. Quelques mois plus tard, l’exploitant continue de se diversifier en programmant de l’opéra, puis grâce à un partenariat avec la Maison de la Culture de la Corse pour accueillir des manifestations itinérantes. L’arrivée des années 1970 représente un vrai tournant pour Le Régent qui va devenir un complexe avec l’aménagement de trois salles de 320, 250 et 98 places en lieu et place de la grande de 880 sièges ; une quatrième est inaugurée en 1980. Cette nouvelle configuration offre davantage de flexibilité et permet donc de projeter plus de films et surtout plus longtemps. En témoigne le succès de Titanic de James Cameron en 1998, qui détient toujours le record du plus grand nombre de spectateurs attirés au Régent (34 000).

Le cinéma est repris en 2009 par Daniel Benedittini. Fidèle des lieux depuis ses plus jeunes années – il a notamment vécu dans l’appartement familial surplombant l’établissement –, l’exploitant va accompagner la transition numérique du Régent. Mais quelques mois plus tard, une grave inondation force la fermeture du cinéma qui ne rouvre qu’à l’automne 2015, après de nombreux recours juridiques et la nécessité de revoir son aménagement. Outre une capacité réduite à trois salles et 300 places, l’établissement se dote d’un espace de jeux pour enfants et d’un coin café. 

Son centenaire coïncide avec une nouvelle épreuve pour ce cinéma historique, qui tente de se remettre, à l’instar de toute une profession, d’un contexte de crise sanitaire et énergétique. Mais à l’image de cette résistance affichée depuis des décennies, Le Régent semble encore avoir les épaules solides pour traverser ces difficultés. En lui souhaitant de vivre un deuxième centenaire avec la même vitalité.

La salle 1 du Régent rénové ©Maeva Benedittini

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