Le cinéma art et essai du Quartier latin est le deuxième à Paris à recevoir ce label de la Commission supérieure technique de l’image et du son, pour sa salle Henri Langlois.
Ce 25 octobre, les amis du Grand Action étaient réunis autour d’Isabelle Gibbal-Hardy et de son équipe, pour la remise du label Excellence de la CST. Un prix qui récompense la qualité de la projection de la salle Henri Langlois, comme le précise André Labbouz, vice-président de la CST : « le Grand Action a coché toutes les cases, parmi une soixantaine de critères évalués, que ce soit en termes de colorimétrie et qualité d’image, du son ou du confort des fauteuils ». Aujourd’hui, la CST a déjà récompensé 19 salles de son label Excellence dont L’Élysée Publicis à Paris ー le Grand Action est ainsi la deuxième salle Excellence parisienne ー et 34 de son label Immersion.
Isabelle Gibbal-Hardy a reçu son prix, fruit de 20 ans de travail, avec beaucoup d’émotion. « Je rêve depuis l’âge de huit ans d’acheter un cinéma, pour montrer les films que j’aime et rencontrer les gens qui le font, le tout supposant une excellence technique et technologique. ». En effet, au-delà de ses séances publiques, le Grand Action accueille chaque matin des séances d’étalonnage et de vérification de films en préparation dans ses trois salles. Avec une équipe de neuf projectionnistes sur un total de onze salariés, le cinéma du Quartier latin est devenu un véritable laboratoire technique : « Pas moins de 269 films différents, de tous formats, ont été projetés le mois passé », témoigne ainsi Nathan Bouam, directeur adjoint en charge de la technique du site. Autre particularité, une quinzaine de ciné-clubs font partie intégrante de l’identité du Grand Action, dont huit sont consacrés aux métiers du cinéma, comme le ciné-club des métiers costume, maquillage et coiffure, celui de l’Association française des cadreuses et cadreurs Steadycam (AFCS), de l’association française du son et de l’image (AFSI), le Directors’ Club de la Société des réalisateurs de films (SRF) ou encore celui de l’association des chefs décorateurs (ADC). Le Grand Action, qui a réalisé plus de 80 000 entrées en 2023, prévoit des travaux de grande ampleur avec l’ajout d’une quatrième salle et d’un nouveau bar pour 2026.
Discussion avec Isabelle Gibbal Hardy, exploitante du Grand Action, et Nathan Bouam, directeur adjoint en charge de la technique du cinéma.
Quelle a été l’évolution technique du Grand Action pour être en mesure d’accéder aujourd’hui au label Excellence ?
Nathan Bouam : Il est important de ne pas confondre recherche d’excellence technique et course aux nouvelles technologies. Au Grand Action, nous voulons faire du mieux possible avec des technologies qui ont fait leurs preuves. Cela se traduit à travers deux piliers forts : l’entretien, essentiel, de nos machines et de nos salles, auquel doit se coupler un investissement constant et une mise à jour régulière du matériel.
Comment cela se traduit-il concrètement ?
N.B : Nous changeons dès que nécessaire les pièces ou les toiles des écrans. Une toile ne reste jamais plus de six ans et est souvent changée bien avant. Quant à nos projecteurs, nous ne voulons pas changer pour changer ; ceux des nos salles 2 et 3 ont plus de dix ans. Pendant les travaux de la salle 3, les machines ont été soigneusement mises à l’abri et pour l’occasion révisées en profondeur. Plutôt que d’acquérir un petit projecteur pour la salle 3, nous avons préféré transférer celui de la 1 en salle 2, et de la 2 en 3, et acheter un projecteur neuf xénon 4K pour la 1. Pour ce qui est de nos lampes xénon, nous utilisons des puissances entre 2 et 3 kW, plutôt que des lampes de 6 kW – ce qui dégraderait le contraste de l’image – en faisant le choix de les renouveler plus régulièrement, c’est-à-dire tous les six ou sept mois au lieu de neuf.
Et pourquoi toujours pas de projecteur laser ?
N.B : Cette année, au Congrès, nous avons entendu que le laser consomme quatre fois moins d’électricité que le xénon. Or les constructeurs eux-mêmes sont revenus sur ces chiffres : le laser consomme moins, mais implique une climatisation plus performante, pour garder une température constante en cabine et ne pas pâtir d’une variation des couleurs. La consommation dépend aussi de la taille de la salle, du cinéma ou encore du nombre d’écrans. Si l’on considère que le laser dégrade l’image, et que la consommation énergétique d’un projecteur est minime au regard des autres postes, notamment CVC, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Nous n’avons pas encore le recul nécessaire sur la technologie laser, mais ce que l’on constate, c’est que l’image ne nous convient pas, ni à la filière de post-production qui travaille à 100 % avec le xénon.
Isabelle Gibbal-Hardy : Quand j’étais présidente des CIP, la transition écologique était vraiment un de mes axes forts et je continue à être très engagée. En tant que chef d’entreprise, les dépenses énergétiques sont évidemment importantes mais à coût équivalent, je considère que maintenir le matériel existant va du côté de l’écologie.
Avez-vous cette même démarche pour la chaîne du son ?
I.G-H : Cela fait des années qu’avec Frédéric Cattoni, notre ingénieur son, nous nous efforçons d’avoir le résultat le plus parfait possible. En post-production, nous sommes spécialisés dans la vérification du son, en particulier dans la salle Henri Langlois. Pendant deux ans, entre 2010 et 2012, les laboratoires Eclair ont étalonné leurs films au Grand Action et nous avons donc beaucoup travaillé avec eux pendant la transition numérique.
N.B : Pour notre chaîne sonore aussi, nous nous assurons de renouveler quand il faut. Depuis 2019, nous sommes passés progressivement en 100 % DKaudio, la marque d’enceintes créée par François Decruck, et en avons profité pour ajouter deux enceintes supplémentaires en arrière gauche et deux en arrière droite.
I.G-H : Nous nous posons la question de l’Atmos que nous installerons probablement dans notre future salle 4. Veiller de façon constante à l’évolution du son et de l’image à partir d’un existant est une chose ; créer une salle ex-nihilo est une expérience complètement différente.
Y a-t-il d’autres critères auxquels vous avez particulièrement prêté attention ?
N.B : Une salle de cinéma, ce n’est pas seulement du matériel, c’est aussi une architecture. Nous avons profité des dernières rénovations pour passer la salle Henri Langlois entièrement au noir, ce que nous avions aussi fait pour la salle 2. Voilà une forme d’amélioration technique qui va dans le sens du label Excellence et qui améliore drastiquement le confort de vision, l’immersion et le contraste à l’image.
I.G-H : La recherche permanente de l’excellence nécessite une vision intégrative de tous ces éléments, architecturaux, décoratifs, techniques et technologiques. C’est ma volonté entrepreneuriale et stratégique pour ce lieu, où des professionnels travaillent sur les dernières étapes de leur films, partagent leur passion avec le public, le tout avec une fluidité de passage. Mon nouvel objectif est la construction de la quatrième salle, pour toujours améliorer le Grand Action et qu’il reste un lieu d’épanouissement pour les spectateurs, professionnels et collaborateurs.
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