Dans la “Ville aux cent clochers”, une église du centre-ville se prépare à être reconvertie en un lieu culturel mêlant concerts, café et cinéma de proximité dédié aux films du répertoire.
Désacralisée pendant la Révolution, l’église Sainte-Croix-des-Pelletiers aura eu de nombreuses vies : tour à tour chai à vin et salle de spectacle, elle serait bien devenue une brasserie-restaurant et un espace de coworking… Mais faute de financement, le projet initialement sélectionné par la municipalité dans le cadre de son appel “Rouen réinvente son patrimoine” a finalement été abandonné. Le second appel à projets, qui a rendu son verdict le 8 novembre 2024, a donc retenu celui de La Nef. « Nous étudions encore à la Femis, avec Juliette Aner [actuelle directrice adjointe du mk2 Bibliothèque, ndlr.] lorsque nous avons candidaté en 2019 », se remémore Mathilde Rolland qui officie, depuis, comme assistante de coordination et de médiation de MaCaO 7ème Art, l’association des salles de cinéma normandes. Les deux professionnelles ont uni leurs compétences à celles de Pierre Cartery, propriétaire-gérant d’un bar à vin à Rouen, pour intégrer au projet le modèle économique d’un café.

Un temple du cinéma
L’église Sainte-Croix-des-Pelletiers accueillera avant tout non pas une, mais deux salles de cinéma, de respectivement 120 et 42 places. « Deux boîtes dans la boîte, résume Mathilde Rolland, de manière à assurer le contrôle de la qualité technique de la projection, de l’isolation phonique et du chauffage. » Reste à savoir si, aux côtés de la projection Laser, sera aussi proposé du 35 mm, vu que le lieu se destine, « dans une région où n’existe pas de cinémathèque », à diffuser du cinéma de patrimoine. Une manière, en outre, de ne pas empiéter sur le travail des voisins art et essai (L’Omnia avec ses 8 salles et le mono-écran L’Ariel en banlieue), dans une ville qui compte par ailleurs deux multiplexes de 14 écrans chacun (le Kinepolis Rouen et le Pathé Docks) – sans compter les 16 salles du Pathé Grand Quevilly en périphérie. « Il y avait toutefois de la place pour ce projet », observe Mathilde Rolland, en soulignant que le projet s’inspire notamment des programmations du Cinématographe de Nantes et du Studio du Havre.
Des enjeux et des contraintes
La Nef proposera, par ailleurs, plus que du cinéma, notamment dans sa salle 1 équipée d’une scène et de mobilier amovibles pour accueillir conférences et spectacles. « Nous avons pensé un espace le plus modulable possible pour accueillir d’autres initiatives », explique Mathilde Rolland en décrivant un projet culturel hybride, qui nourrira une forte identité musicale, comme en atteste le piano quart de queue destiné à trôner dans l’espace café. Pour ce dernier, des études sont encore en cours, en collaboration avec un cabinet spécialisé en énergie et fluides, afin de maintenir la chaleur dans la partie basse grâce à un système de soufflerie, tout en laissant la possibilité aux usagers de contempler les magnifiques poutres en bois sculpté de la charpente. « Il y a un enjeu patrimonial à garder la vue sur l’église, souligne la porteuse du projet. Nous devons donc garder l’espace intérieur le plus ouvert possible [les salles de cinéma ne représentant que 150 m² de surface contre 200 m² pour la partie café, ndlr.], et rouvrir vers l’extérieur l’édifice, dont les fenêtres, à défaut de vitraux, sont aujourd’hui calfeutrés, voire bouchées en maçonnerie ou en contreplaqué. »

Toiture à refaire, infiltrations d’eaux à traiter, fontaine accolée à la façade à restaurer, et beaucoup de nettoyage de pierres, « les pigeons s’étant aussi invités dans l’édifice » : c’est donc un grand chantier, avec son lot de contraintes, qui attend l’association de la Nef. Cette dernière a, pour l’heure, signé une convention de développement avec la Ville, en attendant la cession intégrale du site à un euro symbolique. Le montant du projet est évalué à 3,5 M€ TTC, dont 2,4 M€ pour la restauration du bâtiment, 1 M€ pour l’aménagement des salles de cinéma et 100 000 € pour celui de l’espace café modulable. Misant sur 80 % de financement de la part de ses partenaires publics – sur leurs budgets culture mais aussi patrimoine –, l’association a déjà un accord de principe pour un emprunt auprès d’un établissement bancaire et prospecte toute opportunité de soutien privé. Prévoyant un début des travaux en 2026, pour une ouverture en 2028, les porteurs du projet, accompagnés par Hexacom, se laissent un an et demi « pour finaliser le financement, les procédures et autres délais, et bien préparer le chantier ». Avec, à terme, l’ambition d’accueillir 40 000 spectateurs sur ses premières années.
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