C’est un département français en Amérique : soumis aux lois de la République et confiné depuis mars, mais frappé par le pic épidémique en juillet. Les cinémas de Guyane n’ont pas rouvert en juin.
« Nous n’avons aucune visibilité, aucune date, nous sommes dans une impasse », s’inquiète Patricia Pastor, exploitante de L’Eldorado, le cinéma art et essai associatif de Cayenne. Le 25 juin, au moment où les cinémas de l’Hexagone rouvraient leur portes, l’état d’urgence sanitaire était instauré en Guyane* : fermeture des bars et restaurants, durcissement du couvre-feu et confinement total dans certains quartiers. Le territoire français partage en effet des frontières très perméables avec le Surinam et le Brésil, durement touché par l’épidémie. Le 5 juillet, les trois hôpitaux de Guyane ont actionné leur plan blanc… et les trois cinémas du territoire, à Cayenne et Kourou, n’ont pas rallumé leurs écrans.
« Comment la Guyane va-t-elle se relever ? La situation du territoire était déjà tendue, beaucoup de gens n’ont plus du tout de revenus, on est au bord du gouffre. »
Patricia Pastor, exploitante de l’Eldorado
« Le 15 mars, nous avons été contraints de fermer comme tous les cinémas de Métropole, alors qu’il n’y avait aucun cas de COVID-19 en Guyane », rappelle Patricia Pastor. Quand la date nationale du 22 juin a été annoncée, l’exploitante a commencé à reprogrammer des films, mais l’instauration du couvre-feu dès 17 h et tout le week-end lui a vite fait comprendre qu’elle ne pourrait pas rouvrir ses deux salles. Bien sûr, l’inquiétude concerne d’abord la population en général. « Comment la Guyane va-t-elle se relever ? La situation du territoire était déjà tendue, beaucoup de gens n’ont plus du tout de revenus, on est au bord du gouffre. » De son côté, Alexandra Élizé, propriétaire du multiplexe Agora dans la zone commerciale de Matoury et de L’Urania de Kourou, est plus apaisée. « Des crises et des grèves, on en a traversé, et on s’est toujours relevés ! » Mais il est vrai que le circuit Élizé peut s’appuyer sur ces cinémas des Antilles qui, eux, même mollement, ont repris leur activité.
Reste que dans le contexte guyanais, où la crise est devenue humanitaire, il est difficile de maintenir le lien avec ses spectateurs. Beaucoup des habitués de L’Eldorado sont des métropolitains en mission qui ne pensent qu’à repartir, et les locaux vont subir la crise de plein fouet. « Nos spectateurs et nos partenaires associatifs nous témoignent leur confiance, mais nous sommes dans une telle incertitude que je ne sais même plus quoi leur dire sur les réseaux sociaux », témoigne Patricia Pastor. « Quant à l’idée d’une salle virtuelle telle que La Toile, ils m’ont répondu “Le cinéma, c’est pas la télévision !” »
*La Guyane et Mayotte sont actuellement les seuls départements français toujours en vigilance orange.
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