Pour sa 15e année, le groupement et syndicat de cinémas indépendants privés poursuit une feuille de route ambitieuse avec pour mots d’ordre autonomie, écologie et échanges des savoirs.
Du 12 au 14 juin derniers, Laurent et Benoit Lagrée étaient les hôtes du séminaire annuel des membres de Cinéo, à l’Émeraude de Dinard et de la Richardais. Trois jours de convivialité, de réflexion, de bilan, et surtout, de prospective. Le groupement, qui fête ses 15 ans cette année, le revendique, Cinéo fonctionne en totale autonomie et sans subvention, gage de stabilité et solidité pour Marie-Christine Desandré, sa présidente, qui était aussi l’invitée de l’Émission Boxoffice Pro du 20 juin dernier. En effet, le syndicat, fort de 110 cinémas et 700 écrans, fonctionne avec les ressources des cotisations des adhérents, de la commercialisation de ses réseaux sociaux et de ses offres de formation. Autre particularité, le syndicat ne compte plus de salariés, mais préfère collaborer avec des experts délégués de missions, à savoir Sandrine Van Den Broeck pour la formation, Juliette Vigoureux pour la transition environnementale et Antoine Musset pour la coordination des opérations et de la communication.
Se regrouper et faire ensemble
Depuis la création de Cinéo, motivée au départ par la collecte des VPF, l’enjeu était bien de regrouper les achats et les savoir-faire des exploitants indépendants, souvent seuls dans leurs entreprises et territoires. Quinze ans plus tard, le syndicat n’a pas dérogé à sa vocation, entre négociations groupées avec les prestataires, fournisseurs et distributeurs pour développer des outils informatiques, rechercher des financements ou encore gérer les réseaux sociaux et la data. Les sujets ne manquent pas au rythme de l’évolution du métier lui-même.
Une évolution qui demande de plus en plus d’exigences et des savoir-faire multiples. En matière de montée en compétence des collaborateurs, en 2023, le groupement a formé 120 salariés autour non seulement de l’écologie, mais aussi des sujets RH et teambuilding, du développement personnel, de la gestion des réseaux sociaux, et proposera bientôt, une nouvelle formation cabine et numérique. Le syndicat a par ailleurs postulé à un appel d’offres du CNC pour le plan de formation gratuit des exploitants au développement durable dans les salles. Et pour cause, Cinéo s’est emparé très tôt du sujet, avec sa charte écologique à laquelle les adhérents se sont engagés à leur mesure. « Nous sommes un interlocuteur solide. L’environnement ne peut être une priorité individuelle, c’est pour cela que nous devons nous regrouper et le faire ensemble », rappelle Marie-Christine Desandré.
Un travail précis qui demande des moyens
Toutes ces expertises ont mené Cineo à répondre à un autre appel à projet, celui de France 2030 Alternatives vertes pour la culture. Le projet « Construire et déployer un modèle d’exploitation éco-responsable » a ainsi été retenu parmi une soixantaine de dossiers. Un sacré coup d’accélérateur pour cette mission collective, qui permettra, dans la lignée du travail sur la charte, de passer à un autre niveau d’action. « Réaliser les bilans carbone, mesurer les consommations d’eau et de déchets, est un travail précis qui demande des moyens. La dotation permettra d’en financer une partie, car il y aura aussi un investissement financier personnel à hauteur de 30 %», commente la présidente. Un panel d’une quinzaine d’établissements représentatifs de l’exploitation sur l’ensemble du territoire sera constitué sur la base du volontariat. Trois années de travaux seront nécessaires pour ce laboratoire d’expérimentation en trois phases : mesurer, planifier et déployer. « L’objectif est que chacun ne parte pas de zéro, en commençant par la mesure des impacts carbone, de pollution, consommation d’eau et mobilité des spectateurs, la montée en compétence des équipes, le prototypage des actions à tester, à documenter et à déployer dans toutes les salles du groupement, et à terme, du territoire. ».
Ce travail régulier et obstiné a permis à Cinéo d’être à l’avant-garde de l’écologie dans les salles et d’être moteur pour le secteur, en témoigne la création, il y a un an, de la commission écologie des salles, au sein de la FNCF, que préside Marie-Christine Desandré. « Nous serons en mesure au Congrès de Deauville de présenter un plan d’action basé sur des objectifs prioritaires que sont l’énergie, la mobilité des spectateurs, la réduction et le tri des déchets, l’alimentation, la consommation de l’eau et la formation. Nous présenterons un outil en ligne pour que chaque exploitant puisse déjà construire sa feuille de route », projette Marie-Christine Désandré, précisant que le projet, en work in progress, est de longue haleine.
Les exploitants sont des gens solides
Et lorsqu’on demande quel regard l’exploitante de Châtellerault porte sur le moral du secteur, l’optimisme ne cède pas. « Je ne vais rien vous apprendre en disant qu’il y a des hauts et des bas et que nous avons le sentiment de nous extraire petit à petit d’une situation compliquée en ce deuxième trimestre », faisant référence aux entrées miraculeuses d’Un p’tit truc en plus. Objectivement nous avons depuis un an de gros soucis de trésorerie, avec des charges supplémentaires tels que les PGE à rembourser, des encours financiers liés aux constructions et rénovations et l’inflation qui pèse lourdement sur l’ensemble de nos exploitations.» Mais le second semestre porte davantage d’espoir, « Il n’y a pas de doute sur la force de la salle de cinéma. Elle est remarquable, parce qu’elle est unique. C’est le seul lieu populaire de divertissement, de culture, accessible au plus grand nombre, et nous sommes toujours convaincus qu’elle continuera de traverser les tempêtes. Le métier d’exploitant est un métier solide, et les exploitants sont des gens solides qui aiment ce qu’ils font et ça ce n’est pas rien ! »
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