
Le 19 mars dernier, en marge des Rencontres du Sud en Avignon, se tenait l’assemblée générale du Syndicat français des théâtres cinématographiques. Occasion pour ses représentants et leur invités de mettre à plat leurs préoccupations majeures comme leurs dissensions, sans perdre la force motrice qui se dégage de leur union.
« L’équilibre, compliqué et fragile, de beaucoup d’établissements », avec les contraintes des coûts de l’énergie, de l’augmentation de la charge salariale, et du remboursement des PGE, était posé dès le préambule par François Thirriot, le président du Syndicat. Dans le rapport moral présenté par le secrétaire général et le secrétaire général adjoint, Gérard Lemoine et Fabien Houi, on ne pouvait que se réjouir du million d’entrées supplémentaires comptabilisé à l’échelle nationale en 2024, « mais sur plus d’écrans, avec une dissolution évidente des entrées ». Les situations des différents types d’exploitation sont hétérogènes, et certains sujets suscitent quelques crispations, notamment autour de la réforme du fonds de soutien automatique réclamée par la grande exploitation, alors en attente de validation en CA du CNC. Mais les exploitants du SFTC sont conscients qu’il faut « éviter d’être radical, alors que notre réussite exemplaire repose sur notre cohésion ».
Richard Patry n’élude pas les « discussions tendues » dans le contexte de « difficultés pour nos entreprises. Certaines d’entre elles commencent à être en situation de redressement, voire de liquidation ». Le recul des entrées de ce début d’année (« un mur que l’on n’avait pas vu venir après l’euphorie de la fin de 2024 ») se chiffre actuellement à -8 % par rapport aux déjà difficiles débuts de l’année précédente (et à -32 % par rapport à la moyenne 2017-2019). La morosité est principalement imputée au manque de films américains, et pour ceux qui sortent, à leurs performances en dessous des attentes. Une fragilisation « qui ne va pas inciter les majors à mettre leurs films à l’affiche », s’inquiète le président de la FNCF, en rappelant par ailleurs que « sur les 140 films présentés à Sundance, seuls onze vont sortir en salles. Or ce cinéma indépendant américain, aujourd’hui défaillant, nous sommes capables de le faire fonctionner en France, comme le prouvent les récents succès de The Brutalist ou de Juré n°2 ».
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Les récentes remises en cause de pratiques jugées anticoncurrentielles par l’administration Trump, comme les mauvaises relations de ce dernier avec Hollywood, ne sont pas non plus de nature à rassurer. « La rediscussion de la directive SMA européenne, qui permet le principe de l’exception culturelle, est prévue pour cette année, et certains États vont vouloir libéraliser pour faire plaisir aux Américains », prévient Richard Patry, qui s’attend aussi à des attaques contre l’exception de géoblocage qui permet la territorialité des droits du cinéma et de l’audiovisuel.
Du côté du dossier éducation à l’image, les progrès enregistrés sont notables, entre la récente mission flash confiée à Edouard Geffray, mais aussi celle, plus large, sur l’éducation artistique et culturelle menée par Emmanuel Ethis, ainsi que le rapport de la Cour des comptes qui a mis en valeur l’exemplarité du dispositif Ma classe au cinéma. « Les principaux freins, comme les difficultés de formation et le désengagement des enseignants ou le miroir du pass Culture qui leur permettait d’organiser des séances à la carte, ont été identifiés », note le président de la FNCF, en saluant le travail « exceptionnel » accompli par la commission dédiée présidée par Aurélie Delage, et en appelant les professionnels à continuer à remonter leurs difficultés auprès de la Fédération.
Avec « des interlocuteurs de plus en plus distants vis-à-vis de la salle », relevés par Cédric Aubry, reste à défendre l’idée que l’éducation à l’image relève d’une éducation au cinéma… dans les cinémas. Et en évitant d’y attacher un réflexe de gratuité, observe François Thirriot : « Demander une petite participation fait partie de l’éducation du public de demain. »

Concernant la chronologie des médias, le président adjoint du SFTC Cédric Aubry s’inquiète que « les acteurs en train de “descendre” dans la chronologie » finissent par être tentés de rogner sur l’exclusivité salle. Richard Patry est pour sa part confiant : « Même dans les coups de folie, personne n’a remis en cause notre fenêtre, sanctuarisée car inscrite dans la loi. L’important c’est de ne pas oublier que nous sommes aussi comptables des fenêtres suivantes ». Et avec la position « très intelligente » de Disney, désormais à 9 mois, et Canal+ qui a certes re-signé, mais « dans la douleur », la prochaine renégociation peut s’avérer « compliquée ».
Catherine Verliac du CNC a confirmé qu’une grande réunion exploitants-distributeurs a permis de faire un tour d’horizon complet des problématiques de programmation. « Et nous sommes tous rapidement arrivés à la conclusion que, sans parler d’un comité de concertation [tel qu’il a existé au moment du passage au numérique, ndlr.], il était important que tout le monde se remette très régulièrement autour de la table, distributeur et exploitant. » Ce qui va être fait « très rapidement », de manière notamment à aborder les avant-premières et les plans de sortie aux volumes disproportionnés.
Enfin, dans le cadre de la réforme art et essai en cours d’application, la directrice adjointe du Cinéma se réjouit de voir que les premières commissions ont disposé de plus de temps pour étudier chaque dossier. Cédric Aubry, pour lequel l’expérience était nouvelle, a de son côté fait état de problématiques de notation pour les établissements des villes moyennes qui veulent proposer de la diversité. Une catégorie de salles que la pondération des films à venir dans le second temps d’application de la réforme inquiète d’autant plus. Comme Thierry Tabaraud, qui estime par exemple « qu’on ne peut pas traiter En fanfare – qui a marché partout – et Emilia Pérez – qui a très bien marché dans les grandes villes, mais pas dans les petites – de la même manière ». De fait, la FNCF a déjà commencé à identifier des cas qui relèvent des « effets de bord » de la réforme, et les salles estimant relever de cas particuliers sont, là aussi, appelées à signaler leur situation. « Nous avons toujours dit que cette réforme ne devait pas se faire sur le dos des salles de la petite et de la moyenne exploitation et des salles généralistes », a rappelé Richard Patry.
Reste qu’à cette réunion du SFTC, nombreuses ont été les prises de paroles de représentants de l’exploitation indépendante des petites villes et des villes moyennes, qui peuvent se sentir « négligés » dans les efforts menés auprès des pouvoirs publics. Au-delà des réponses que la Fédération pourra apporter en collaboration avec le CNC, le président Richard Patry évoque aussi le travail à faire auprès des Régions, pour la mise en place d’un plan d’aide efficace ciblant la moyenne exploitation privée.
Article paru dans le Boxoffice Pro n°489 du 2 avril 2025.
L’Entraide, des colonies pour tous les enfants
Fidèle à sa mission d’organiser la solidarité entre les professionnels du cinéma et du spectacle, l’Entraide – dont l’équipe était venue à la rencontre des adhérents du SFTC au Pontet – fait évoluer ses propositions. À partir de cette année, deux de ses colonies de vacances seront ainsi ouvertes aux enfants en situation de handicap, avec l’idée d’en proposer davantage en fonction de la demande. Sylvie Surpal, la déléguée générale de l’Entraide, a précisé que « tous les frais liés à l’encadrement, tout comme les éventuels frais supplémentaires de transport, de ces enfants un peu fragiles seront pris en charge à 100 % par l’Entraide », tandis que la présidente Cathy Coppey soulignait « le besoin de relais » auprès des adhérents pour passer cette information.
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