À l’occasion du 500e numéro – et des 20 ans d’existence – de Boxoffice Pro (ex-Côté Cinéma), la rédaction propose de replonger dans les évolutions et mutations de l’exploitation cinématographique de ces vingt dernières années, à travers la plume et la parole d’acteurs ou d’observateurs de la filière. Aujourd’hui, focus sur le public des cinémas, avec Sylvain Bethenod, PDG de Vertigo Research.
Dossier à retrouver en intégralité dans le Boxoffice Pro du 22 septembre 2025
« À voir l’affluence dans les stades ou lors des concerts, il n’y a pas de raison que les salles de cinéma ne connaissent pas le même engouement »
Sylvain Bethenod, PDG de Vertigo Research
De sa reconquête dans les années 2000 à sa… reconquête dans les années 2020, le public du cinéma a connu de nombreuses mutations que Vertigo Research observe depuis 15 ans… et sur lesquelles son PDG et fondateur revient.
Comparer les spectateurs de 2005 à ceux de 2025 impose de rappeler comment on les mesurait. Il y a 20 ans, « l’approche du public était davantage macroscopique, explique le fondateur de Vertigo Research. Il n’existait pas de vision quotidienne des entrées – sauf pour le Paris-périph –, ni d’un suivi hebdomadaire du profil des spectateurs ». Le tournant vient en 2006 : alors chez Médiamétrie, Sylvain Bethenod s’associe à Isabelle Serve Gelin (AC Nielsen EDI, devenu plus tard Rentrak/Comscore) pour mesurer les entrées des cinémas en province chaque jour. « Cela a permis de prendre conscience de l’importance de la fréquentation hors Paris. » La grande étape suivante est celle de la création, en 2016, du baromètre CinExpert de Vertigo, délivrant de manière hebdomadaire des informations sur le public des salles : « À ce moment, nous nous sommes aperçus de la segmentation du marché, et que le public, selon l’offre, pouvait être complètement différent d’une semaine à une autre. »
Dans les années 2000, la fréquentation est en hausse régulière, entre les 165 millions enregistrées en 2000 et les 201 millions de 2009. Plusieurs facteurs favorisent cette sortie de crise des années 1980-1990, notamment « une offre assez exceptionnelle jusqu’en 2019, originale et complémentaire » [voir schéma ci-contre]. Le point d’orgue de cette dynamique sera atteint en 2019, avec « une offre parfaite au sens “marché” du terme, des films qui touchent toutes les cibles » qui permet d’atteindre 213 millions d’entrées. Mais la pandémie rebat les cartes : « Depuis, les spectateurs sont moins enclins à aller au cinéma », admet Sylvain Bethenod. Le groupe le plus affecté est celui des 35-49 ans, attiré par des offres concurrentes comme celles des plateformes, et qui pèse désormais beaucoup moins dans la fréquentation. « Or c’est une catégorie cruciale, les seniors de demain, et tout un réservoir de spectateurs qu’il faut reconquérir. » Car à l’inverse, les 60 ans et plus ont accru leur part dans les entrées, passant de 15,8 % en 2007 à 21,8 % en 2024*.
Autre évolution : le taux de pénétration** de la population cinématographique est passé de 60 % à 65 %. Mais si le nombre global de personnes s’étant rendues au cinéma progresse, « celui des réguliers diminue. En d’autres termes, les spectateurs, plus nombreux, réalisent moins d’entrées qu’avant car ils sont plus exigeants. » Un changement non sans lien avec l’évolution de l’offre qui, désormais, peine à susciter l’attention du public, et est souvent mise en cause dans la crise de fréquentation actuelle. Dès lors, pour Sylvain Bethenod, « la solution se trouve en partie du côté de la fabrication des films : il ne faut pas oublier que c’est l’auteur, par son sujet et son talent, qui va donner envie de découvrir les œuvres. C’est l’artiste accompagné par la production qui décide de l’œuvre, c’est celui qui a la vision. Le distributeur est là pour la relayer auprès des publics, à la meilleure date et auprès des bonnes cibles pour permettre aux salles de la diffuser dans les meilleures conditions. Les analyses marketing du box-office que nous réalisons permettent aujourd’hui d’anticiper beaucoup de choses ».
Pour l’analyste, le rebond viendra de cette capacité de création : « À voir l’affluence dans les stades ou lors des concerts, il n’y a pas de raison que les salles de cinéma ne connaissent pas le même engouement. Pour ce faire, l’offre doit se renouveler, et je pense sincèrement qu’elle redeviendra attractive. »
Jules Dreyfus
* L’âge minimum pour entrer dans la “population cinématographique” est passé de 6 à 3 ans en 2016.
** Le taux de pénétration est le rapport entre la population cinématographique d’un groupe et la population totale de ce groupe, exprimant la tendance d’une catégorie à aller au cinéma.



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